Après Snoop Dogg avec Maison Ferrand puis Nas avec Hennessy, c’est au tour du rappeur américain Jeezy de signer un partenariat avec un maître distillateur de cognac. Il est désormais ambassadeur pour l’entreprise familiale Naud, qui opère depuis cinq générations dans la petite commune de Pons, en Charente-Maritime.
Pierre Naud, responsable commercial, explique que « Jeezy a sollicité notre distributeur, M.S Walker, qui lui a présenté notre marque. Il a ensuite testé nos produits – dégustés purs et en cocktails – et les a soumis à un cercle proche. Il a apprécié leur qualité, leur style et leur histoire. » Cet accord tripartite est réfléchi. « Nous n’avons pas signé avec un jeune artiste en devenir », insiste-t-il. « Jeezy a 44 ans et s’investit dans la musique et les affaires depuis longtemps. Il connaît déjà l’industrie des spiritueux depuis sa collaboration avec la tequila Avión de Pernod Ricard. »
Alcool français, rap américain : un cocktail gagnant
Mitchell Green, responsable des marques nationales chez M.S. Walker, rappelle que Jeezy perçoit des similitudes entre musique et cognac (surnommé « yak » dans le milieu) : « les deux ont été créés et perfectionnés par des artistes et artisans talentueux, et sont souvent appréciés dans les mêmes cadres ». Il note par ailleurs qu’aux Etats-Unis, l’eau-de-vie charentaise est « considérée comme un style de vie plutôt qu’un simple produit de consommation ».
Pierre Naud reconnaît toutefois avoir été surpris, car « personne n’imaginait une collaboration avec une célébrité à échéance si courte. Nos alcools ne sont disponibles aux Etats-Unis que depuis trois ans. Mais la philosophie, la personnalité et la vision de Jeezy nous ont plu. » Sans s’étendre sur les volumes contractualisés, il précise avoir fixé des objectifs chiffrés dans un plan de développement commercial établi sur cinq ans. La communication digitale de l’entreprise a été adaptée au marché américain, « avec un nouveau site internet tourné vers le monde de la nuit, tandis que la version française met en avant une image d’artisan plus bucolique ».
L’alcool brun de l’Amérique noire
Au début du XXe siècle, les références au cognac dans les paroles et clips de rap se multiplient. En 2001, la sortie du tube « Pass the Courvoisier » de Busta Rhymes et P. Diddy fait bondir les ventes de la marque de 30%. Mais la popularité du cognac au sein de la communauté afro-américaine est plus ancienne : selon les archives d’Hennessy, les premières bouteilles de la maison ont été exportées outre-Atlantique dès 1794. Après la Seconde Guerre mondiale, les soldats noirs américains qui avaient combattu et découvert le cognac en France continuent à en consommer de retour au pays. Hennessy profite de son succès et lance, dans les années 1950, une campagne publicitaire dans les magazines Ebony et Jet destinés à un lectorat noir. Elle reste la marque de cognac la plus populaire sur le territoire, suivie de Rémy Martin, Martell et Courvoisier – de grands noms auxquels certains rappeurs voudraient faire concurrence (notamment 50 Cent avec Branson et Jay-Z avec D’Ussé).
Avec plus de 270 maisons de négoce, 4200 viticulteurs et 120 distillateurs de profession, la filière du cognac se porte bien. Elaboré en France, l’alcool est surtout apprécié à l’étranger : d’après les chiffres du Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC), près de 98% de la production est exportée. Les Etats-Unis constituent le « premier marché du cognac depuis une trentaine d’années » et ont enregistré « une hausse de 24,6% sur les douze derniers mois […] avec 118,4 millions de bouteilles expédiées ». Un succès attribué au caractère cosmopolite de la boisson, qui « s’adapte à la culture locale » et dont la « richesse aromatique laisse de multiples possibilités de l’apprécier ». Aujourd’hui évalué à plus de trois millards d’euros, le marché du cognac devrait connaître un taux de croissance annuel moyen de 3,5%, en partie dû à son exclusivité de production.
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