Christophe Bonnegrace n’était pas fait pour les bancs de l’école. À 14 ans, sa mère l’oriente vers un apprentissage en cuisine, un choix qui va changer la vie du Toulonnais. Après sa formation et cinq ans passés chez les para-commandos, il part en Afrique, du Caire à Nairobi, explorant les cuisines tribales et les techniques culinaires ancestrales. Cette soif d’aventure et de découverte le mènera sur un autre continent, les États-Unis, où il travaillera dans les plus grandes cuisines de New York, Los Angeles et Las Vegas. Aujourd’hui, c’est au Texas qu’il a posé ses valises, avec un projet aussi passionnant qu’atypique.
« Dès mes premiers pas en cuisine, j’ai compris que ce métier était bien plus qu’un simple travail. C’est une passion, un art, un engagement total », explique le chef français. Son parcours américain commence en 1994 à Los Angeles, au restaurant Aristoff Caviar and Fine Food à Beverly Hills, un établissement de 32 couverts spécialisé en caviar et produits d’importation d’Europe et de Russie. Ce fut un tournant : les articles élogieux se sont multipliés, jusqu’au jour où une célébrité est venue dîner. « Je remercie encore Gene Kelly pour ce premier coup de projecteur ». Grâce au bouche-à-oreille dans le cercle hollywoodien, il est propulsé dans un univers fascinant, celui de la cuisine pour les stars.
À Las Vegas, Christophe Bonnegrace participe à l’ouverture du prestigieux Bellagio, intégrant les cuisines du restaurant de Jean-Georges Vongerichten. Rapidement repéré, il est transféré à l’hôtel Mirage, où il officie plusieurs années en tant que sous-chef exécutif. Son parcours l’emmène ensuite à Maui, au Royal Lahaina Resort, avant qu’il ne rejoigne Raymond Visan pour ouvrir Le Petit Buddha à Las Vegas, une aventure couronnée par le Culinary of Excellence Award. S’en suit une ouverture en Égypte, puis une expérience à bord des navires de croisière Celebrity Cruises, où il devient Corporate executive chef.
De retour sur la terre ferme, il rejoint le légendaire restaurateur Georges Forgeois à New York où il dirige plusieurs établissements emblématiques, comme Le Cercle Rouge, Le Singe Vert et Bar Tabac. « Après un passage à La Villette, j’ai eu l’honneur d’être invité à cuisiner au James Beard House et de recevoir la prestigieuse distinction Green Light de Forbes Magazine. » Il ouvre Barawine, un restaurant français au cœur de Harlem dans l’ancien bâtiment de Malcolm X, distingué deux années de suite par le Guide Michelin et élu Meilleur Nouveau Restaurant de Harlem par le New York Post.
Après plusieurs années à Manhattan, il s’envole pour la Californie où il intègre le groupe Sugar Factory. Christophe Bonnegrace y supervise l’ouverture de 35 restaurants. Et en 2016, il prend les rênes des cuisines du mythique Yamashiro à Hollywood, un établissement emblématique. « Superviser autant d’ouvertures a été un défi colossal, confesse le chef. Mais reprendre les cuisines de Yamashiro a été une expérience inoubliable. Il a été classé parmi les Top 10 Best Restaurants in Los Angeles. »
Mais, en 2020, la crise sanitaire et un divorce le poussent à reconsidérer ses priorités. « J’avais besoin de changer d’air, de ralentir le rythme et de retrouver une meilleure qualité de vie », confesse-t-il. Un ami, l’ancien champion du monde de MMA Cheick Kongo, l’encourage à s’installer au Texas. Il choisit Johnson City, en plein cœur du Texas Hill Country, une région connue pour ses vignobles et distilleries. Il y lance un food truck qu’il baptise Herencia Cuisine by Christophe. Il y propose des plats aux saveurs du monde revisitées, tout en restant fidèle à ses racines provençales. « J’aime proposer une cuisine variée chaque semaine : française, italienne, asiatique, espagnole… mais il y a toujours des plats incontournables que mes clients redemandent. » Passer des cuisines de restaurants gastronomiques à un food truck exige un véritable ajustement. « Ce qui me manque le plus, c’est la transmission du savoir. J’ai toujours aimé encadrer des jeunes chefs. Ici, je suis seul, et la solitude peut parfois peser. »
Et la suite ? « Rien n’est figé. J’organise aussi des repas privés et des événements. Retourner dans un restaurant traditionnel ? Peut-être, mais aujourd’hui, le monde de la restauration est trop exigeant pour ce qu’il offre. Je n’ai plus envie de sacrifier ma santé pour un employeur qui ne pense qu’au profit. » Déjà très pris par le consulting et l’accompagnement d’autres restaurants, il nourrit un autre projet, celui d’ importer un café d’exception en provenance d’Afrique. « Un petit rêve » comme il dit, qu’il compte bien concrétiser.
Herencia Cuisine by Christophe, 108 W Main St, Johnson City – (702) 860 8389. Site