Celia Hodent fait partie de ces rares femmes dans l’industrie du jeu vidéo. Diplômée de l’Université Paris 5-Sorbonne et titulaire d’un doctorat en psychologie (spécialisée en le développement cognitif chez l’enfant), elle a collaboré avec les plus grands noms du secteur en tant qu’employée puis consultante UX (User Experience).
Cette professionnelle de l’ombre compte à son palmarès d’innombrables jeux mondialement connus : “Rainbow 6”, “Driver”, “Assassin’s Creed”, “Star Wars : 1313” et bien sûr “Fortnite”, le plus gros projet de sa carrière. Ce jeu de bataille édité par Epic Games a attiré des millions de joueurs et est devenu un phénomène de société. “J’ai énormément bossé sur la création de Fortnite (pendant plus de quatre ans) comme le projet était des plus ambitieux. J’ai développé pour eux une équipe UX. On a embauché des UX designers, des chercheurs… Ça n’a pas été de tout repos comme le jeu était unique en son genre.”
Après avoir lancé sa carrière chez Vtech en 2005, elle rejoint dans un premier temps les équipes d’Ubisoft Paris, puis celles d’Ubisoft Montreal en 2010, les studios de LucasArts en 2012 puis finit chez Epic Games. Là, elle occupe le poste de directrice UX. Après la sortie de Fortnite, projet auquel elle a participé, elle décide de se mettre à son compte. “Quand j’ai reçu mon diplôme, je ne pensais pas rejoindre l’univers du jeu. Le métier que j’ai maintenant n’existait pas à l’époque. J’ai su être à l’affût. Il est important pour les jeunes diplômés de garder l’esprit très ouvert pour pouvoir sauter sur de nouvelles opportunités.”
En étroite collaboration avec les concepteurs de jeux, Celia Hodent a pour mission de rendre plus intuitif l’usage du jeu video pour le cerveau. “On veut offrir aux joueurs la meilleure expérience possible, explique-t-elle. Pour cela, on va travailler à retirer toutes les frustrations possibles qui ne sont pas liées au challenge du jeu. Afin d’optimiser cette stratégie, nous avons développé un laboratoire de playtest chez Epic Games afin de tester les jeux en développement et de les améliorer avec le retour de joueuses et joueurs.” Sur place, elle forme également de nouvelles recrues à l’UX et tente de démocratiser au maximum le rôle primordial de la psychologie cognitive.
En parallèle de ses missions de consultante, la Française de 41 ans donne également des conférences à travers le monde sur la psychologie cognitive et l’usage que l’on peut en faire dans le milieu du jeu vidéo. Elle est aussi l’auteure d’un livre destiné aux concepteurs de jeux, How Neuroscience and UX can impact Video Game Design.
Comment vit-elle le fait d’être une femme dans cet univers très masculin ? “L’univers du gaming est réputé pour être majoritairement masculin et quelque peu sexiste. Dans mon cas, c’est quelque chose que j’ai vraiment ressenti lorsque je suis devenue plus expérimentée. Par exemple, je n’étais pas invitée à certains meetings, je me demandais aussi si je gagnais le même salaire que mon alter-ego masculin.” Quand le scandale #Gamergate éclate en 2014, l’un des mouvements précurseurs du #MeToo dans le gaming, elle se réjouit que “les langues se soient déliées.” Pour la première fois, “de nombreuses femmes ont pris la parole pour raconter leur quotidien. Misogynie et harcèlement sexuel ont été abordés.”
Historiquement, les jeux vidéo n’ont pas toujours été faits et pensés par/pour des hommes. “Au début, les femmes étaient très présentes dans l’industrie du jeu vidéo et les jeux étaient destinés aux filles comme aux garçons. Puis avec l’arrivée de la 3D et le tournant “shooter”, les jeux vidéo ont commencé à être marketés vers une masse essentiellement masculine. On est passé de jeux vidéos créés pour la famille à des jeux vidéos monogenrés.” Au fil des années, cette idée s’est implantée dans la société emmenant avec elle son lot de stéréotypes comme “les filles, ça ne joue pas aux jeux vidéo.” Celia Hodent doit être “l’exception qui confirme la règle”.