On peut avoir été nominé aux Grammy, avoir été un phénomène musical en France et aux Etats-Unis et rester une maman française expatriée à New York avec des préoccupations de maman française expatriée à New York.
La maman presque-grammisée, c’est Célia Faussart, qui forme avec sa soeur Hélène le groupe légendaire Les Nubians. Et sa préoccupation d’expat, c’est son fils de 16 ans qui “a niveau pitoyable en français” après presque dix ans dans une école américaine faute d’école bilingue abordable. Elle l’a renvoyé – avec sa petite soeur de 15 ans – en France pour une bonne remise à niveau. “C’est une blessure de savoir qu’ils ne peuvent pas écrire le français correctement” .
Pour rendre hommage à sa “langue de coeur” , Célia Faussart participera ce 21 avril à un concert de bienfaisance au bénéfice de la charter school franco-américaine d’Harlem NYAFCS aux côtés d’autres artistes. Le français l’a accompagné toute sa vie artistique. C’est en français que les deux soeurs désormais installées à Brooklyn percent aux Etats-Unis en 1999 avec leur hit “Makeda” issu de leur premier album “Princesses nubiennes” (1998). Elles sont nominées aux Grammy, décrochent des récompenses et vendent plusieurs centaines de milliers d’exemplaires de l’album aux Etats-Unis. “Makeda” tourne sur les ondes. La maison de disque leur fait enregistrer une version anglaise, mais le public n’en veut pas.
Porté par la communauté noire, “Makeda” reste l’un des plus grands hits francophones aux Etats-Unis, vitrine d’une “Afrique moderne, celle des boites de nuit.” “Il y a quelque chose de magique dans ce morceau. La production musicale est restée très moderne. C’était nouveau. On était aux balbutiements de la néo-soul. Peu d’artistes en faisaient. Il a rencontré une communauté d’esprit aux Etats-Unis, même s’il n’a pas été fait ici mais à Paris et Londres, ce qui surprend toujours. Il faisait écho à des choses que les noirs américains connaissaient. Ça a créé des ponts que d’autres ont utilisé.”
Plusieurs albums et projets artistiques suivront, dont “Nü Revolution”, hymne à l’Afrique et au multiculturalisme. Des concerts aux Etats-Unis, en Europe et en Afrique aussi. En décembre, Les Nubians participent à la soirée “Je suis soul” avec Ben l’Oncle Soul et Manu di Bango au mythique Apollo Theater à Harlem. “On avait l’impression de boucler la boucle. En terme de succès dans les charts de musique urbaine américains, il y a eu Manu di Bongo avant nous et Les Nubians vingt-cinq ans après avec Makeda.” En parallèle de son spectacle “Cabaret Noir” où elle réinvente l’expérience du cabaret, Célia Faussart s’est lancée dans le coaching vocal tandis que sa soeur Hélène a monté une association qui développe des programmes artistiques et culturels en Afrique. “Les Grammy, c’est comme un diplôme. On a énormément appris pendant cette période pour se mettre à niveau, se challenger. Ça nous a ouvert une relation magnifique avec un public magnifique ici. On s’est rendu compte qu’on faisait une musique universelle qui transcendait la langue.”
Un nouvel album est-il dans les cartons ? “Nous ne l’excluons pas mais il sortira quand il sortira. Nous ne sommes pas dans une dynamique de maison de disque.” Célia Faussart en est plutôt à se demander si elle va rester à New York après dix ans ici. “On se demande quels sont les dix-quinze ans à venir qu’on veut créer pour nous. On est très contentes d’avoir participé à ça. Quand on voit Stromae qui remplit le Madison Square Garden, on se dit: yes quoi! ” Une chose est certaine: elles veulent continuer à chanter la tolérance. “L’enjeu d’aujourd’hui, c’est la citoyenneté du monde. Si on ne comprend pas qu’on ne vit plus dans un système de couleurs mais de classes sociales, on va dans le mur. Il faut faire résonner ces messages partout. J’espère continuer à faire de la musique qui ouvre, qui soigne. ”