En octobre dernier, l’organisation à but non lucratif CatchLight a ouvert un nouveau desk d’information visuelle en Californie. Son but ? Promouvoir le travail de photojournalistes en aidant leur intégration dans des rédactions locales. « L’image est un excellent véhicule d’information qui crée une connexion émotionnelle forte entre son sujet et son public », explique Elodie Mailliet Storm, PDG de Catchlight.io. « Nous voulons capitaliser sur le pouvoir de la photo et de la vidéo pour apporter des informations vitales à des communautés qui n’y auraient pas accès autrement. »
Concrètement, CatchLight finance avec des partenaires le travail de cinq à six journalistes par an, dans le cadre d’un programme baptisé “CatchLight Local” qui devrait durer jusqu’en 2023. Un premier pilote avait été lancé à San Francisco en 2019 et avait permis à des photojournalistes de rejoindre les rédactions de médias à Salinas, Oakland et San Francisco. « À Salinas, le photographe David Rodriguez a suivi les ouvriers agricoles pendant la pandémie, documentant les conséquences sur leur vie. Ce reportage a généré beaucoup de dons pour ces familles et les structures qui les aident. »
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Les journalistes sont souvent issus des communautés qu’ils chroniquent : la mère de David Rodriguez par exemple, est une ouvrière agricole. Une autre journaliste, Yesica Prado, a fait un reportage sur les personnes qui vivent dans leur voiture, une situation dont elle fait elle-même l’expérience au quotidien. « Pendant le confinement de 2020, elle a lancé un campagne d’informations afin de mettre en lumière la difficulté d’accès à de nombreuses ressources pour ces gens qui vivent dans leurs voitures quand tout est fermé : plus d’accès à Internet dans les bibliothèques municipales, plus de douches dans les YMCA, moins d’accès au repas. Autorisée par son métier à se déplacer, elle a joué le rôle de messager, rapportant les informations qui manquaient à cette communauté de sans abri. »
La Californie s’est imposée comme un choix logique pour ce nouveau projet de desk visuel. En effet, avec un déclin de 24% du nombre de journaux, c’est l’État le plus durement touché par le déclin des rédactions locales. Coût de la vie et géographie très étendue sont deux des principaux facteurs qui peuvent l’expliquer, mais cette tendance dépasse les frontières de la Californie. « On assiste à un déclin du photojournalisme, lié aux politiques économiques des rédactions : les personnes qui décident des budgets ont souvent peu de connaissance du photojournalisme, à l’exception de publications comme le New York Times ou National Geographic. Les coupes budgétaires ont accentué les déserts d’images. »
Dans les quinze dernières années, les rédactions américaines ont perdu plus de 50% de leur staff visuel. Un constat sans appel, et qui s’explique aussi par un fonctionnement des fils d’images fondé sur la consommation de masse : « Getty, AP, l’AFP ont pour but de couvrir les news qui vont toucher le plus grand nombre. Peu de photographes sont basés en dehors des grandes métropoles, et par conséquent, il y a peu de visuels pour traiter du contenu local. »
Le desk vient d’ouvrir trois postes à pourvoir à Riverside, Stockton et Berkeley. Les rédactions locales sont enthousiastes à l’idée d’intégrer des photojournalistes dans leurs équipes, et de bénéficier du support d’editing et de narration que CatchLight met à disposition de ses fellows. Au delà du programme sponsorisé par CatchLight, le but est que ces derniers soient engagés à temps plein après la fin du programme pilote. De nombreuses rédactions aimeraient participer à ce programme, et les demandes affluent du Colorado, Texas, ou de Washington. « On veut d’abord tester la durabilité de ce programme en Californie. On espère que cela débouchera sur de nouvelles manières de travailler dans les medias, et la réduction des déserts d’images et d’information. »
À noter que CatchLight organise un Visual Storytelling Summit les 18-20 avril prochains, durant lequel les CatchLight Fellows des différents programmes présenteront leur travail. Plus d’infos.
Photo: Frédéric Neema fnphoto.com