Voilà cinq ans que les Angelenos trépignent d’impatience à l’idée de pénétrer dans ce nouveau temple de l’art contemporain. Vendredi, lors de la cérémonie d’inauguration du Broad, French Morning comptait parmi les premiers visiteurs, avant l’ouverture officielle dimanche 20 septembre, qui a attiré 100 000 personnes.
Nous voilà donc partis à la découverte de ce monstre de 11 000 m2, dont la construction a nécessité 16 000 tonnes de béton et coûté 140 millions de dollars à son fondateur, le milliardaire américain, Eli Broad.
Avec sa femme Edythe, ce philanthrope a souhaité rendre gratuitement accessible au public leur collection de plus de 2000 oeuvres d’art, réalisées par près de 250 artistes: d’Andy Warhol à Jeff Koons en passant par Jean-Michel Basquiat. Couvrant près d’un demi-siècle d’art contemporain, le trésor des Broad est unique au monde.
De l’extérieur, l’énorme mastodonte intrigue: parcourue de trous, son étrange coque fait penser à un nid d’abeilles ou à une râpe à fromage. L’architecte Elizabeth Diller explique que l’enveloppe extérieure a été conçue “comme un voile protégeant le coffre fort”, le coeur du musée où sont concentrées les 2000 oeuvres de la collection. Le “squelette poreux” recouvrant le bâtiment “permet d’amener la lumière naturelle à l’intérieur des galeries”.
Voyage au pays du pop-art
En entrant, le visiteur est pourtant surpris de pénétrer dans un hall sombre, à l’aspect caverneux, dont l’atmosphère rappelle celle d’un film de science-fiction. Happé par un long escalator, nous voilà recrachés vers la lumière 35 mètres plus haut, propulsés au coeur d’une galerie très “pop-art”, éclatante de couleurs: ici, les tulipes géantes de Jeff Koons côtoient un portrait technicolor de Marilyn Monroe signé Andy Warhol, ainsi qu’une salle entière d’oeuvres cultes de Roy Liechtenstein.
Un peu plus loin, le visiteur pourra se prendre pour Alice au Pays des Merveilles en se promenant librement sous la table et les chaises géantes de Robert Therrien. Ou bien scruter le mouton macabre flottant dans du formol, sacrifié par l’artiste britannique Damien Hirst.
En redescendant, deux choix s’offrent à vous : l’ascenseur-tube transparent au petit côté futuriste ou les escaliers, où vous attend une surprise. Dans un clin d’oeil au public, l’architecte a imaginé une lucarne permettant de jeter un coup d’oeil indiscret à la salle des réserves, d’ordinaire fermée au public. Une manière de faire saliver le visiteur en lui dévoilant de loin, quelques-unes des prochaines oeuvres à venir.
Ludique et pédagogique
Certains puristes et autres esprits grincheux reprochent déjà au musée son manque d’avant-gardisme et d’audace. Son côté “gadget pour touristes”. La collection d’Eli et Edythe Broad fait certes la part belle à des oeuvres anciennes, connues et reconnues.
Mais le musée du Broad a au moins le mérite de chercher à démocratiser l’art contemporain, en le rendant compréhensible au plus grand nombre, de manière ludique et pédagogique: dans chaque salle, des pistes d’interprétations énoncées avec clarté et simplicité sont par exemple proposées aux non-initiés.
Quant aux connaisseurs, ils trouveront sûrement leur bonheur dans la galerie du rez-de-chaussée, consacrée à des artistes plus contemporains: comme le japonais Takashi Murakami et ses champignons colorés, le vidéographe islandais Ragnar Kjartansson et son film musical projeté en simultané sur 9 écrans différents, ou la japonaise Yayoi Kusama et ses miroirs poétiques aux lumières infinies.