La nouvelle est tombée comme un couperet. Le Marais Bakery fermera sa boulangerie de Chestnut street fin octobre, s’ajoutant à la longue liste des petits commerces qui ont mis la clef sous la porte dans le quartier. Patrick Ascaso, qui a ouvert le Marais dans la Marina en 2012, avant d’essaimer dans le Castro, le Tendernob et Mill Valley, a pris cette décision difficile face à une augmentation de loyer impossible à honorer. “Le bâtiment a été vendu à une société d’investissements, il y a trois ans. Cette vente a généré une augmentation des taxes et le nouveau propriétaire peut nous en faire porter la responsabilité financière“, explique Patrick Ascaso. “Cette augmentation s’élève à 1000%, et, malheureusement, notre bail ne prévoyait pas de plafond à ces variations. Nous n’avons pas augmenté les prix de nos pâtisseries alors que le prix de la main d’oeuvre a augmenté, et le loyer que nous payons actuellement est déjà au dessus du prix du marché. A cela s’ajoutent les sommes conséquentes que nous avons investies dans l’aménagement des locaux et que nous ne récupèrerons pas. A un moment, il faut se rendre à la raison et ne pas franchir la ligne rouge.”
Deux ans de négociations et une pandémie plus tard n’auront abouti à aucun accord entre Le Marais et le propriétaire des murs, qui reste sourd aux arguments avancés par l’équipe de la boulangerie pour mettre en avant leur attachement au quartier. “Notre présence a permis la création d’une communauté qui n’existait pas auparavant dans ce quartier, rappelle Patrick Ascaso. Et même si, aujourd’hui, Chestnut street est devenue une destination à la mode, notre présence bénéficie aux autres commerces : les gens qui viennent au Marais visitent également les autres commerces de la rue. Je ne comprends vraiment pas quel bénéfice notre fermeture aura pour le quartier.”
Patrick Ascaso espère désormais que le soutien que lui témoigne un grand nombre de ses clients infléchira la position de leur bailleur. Une pétition, lancée il y a une semaine, a déjà récolté plus de 600 signatures pour appeler la maire London Breed à intervenir afin de soutenir un petit commerce comme le Marais. “Cette pétition a été lancée par une cliente et nous avons reçu de nombreux messages de sympathie et d’encouragements grâce à cette initiative et sur les réseaux sociaux. Cela fait vraiment chaud au cœur.”
Pour les clients du Marais, l’annonce de la fermeture a fait l’effet d’une bombe. “Je ne m’y attendais pas du tout, d’autant que depuis la Covid, la boulangerie était toujours assez pleine“, confirme Matthieu Soulé, qui habite dans le quartier. Jihane Lahbabi-Berrada, une jeune maman qui aime flâner sur Chestnut street et prendre son café au Marais, a appris avec stupéfaction la nouvelle par ses amies et par ses voisins américains désolés de voir ce petit bout de France menacé de fermeture. “Cette nouvelle m’a beaucoup attristée car il y a peu de petits cafés dans le quartier. Et aller chez Starbucks ou Peet’s ne m’intéresse pas, confie-t-elle. Je recherche de la convivialité. Au Marais, le personnel nous connaît, les pâtisseries sont bonnes, et ça rappelle vraiment Paris.”
Les autres boulangeries du Marais, situées dans le Castro, sur Sutter street et à Mill Valley, restent ouvertes mais, pour les habitants de la Marina, elles sont toutes trop loin. “Ce que j’aime dans la Marina, c’est qu’on peut tout faire à pied“, explique Jihane Lahbabi-Berrada. Je cherche un petit café qui pourrait remplacer le Marais mais ce ne sera pas pareil.” Installé dans le quartier depuis 2015, Matthieu Soulé a pu constater le turnover qui affecte les petits commerces. “L’équation économique dans ce quartier, quand on est indépendant, est vraiment difficile, déplore-t-il. Si le Marais ferme, je ne sais pas vraiment où aller. Peut-être sur Fillmore street, mais ce ne sera pas à 15 minutes de chez moi comme le Marais.”
Mercredi 15 septembre, Patrick Ascaso a partagé sur le compte Instagram du Marais la lettre qu’il a envoyée à son bailleur, espérant que le soutien de sa clientèle aura assez de poids pour trouver un terrain d’entente. Une dernière bouteille à la mer avant la fermeture.