« La situation écologique est alarmante mais on peut encore agir ! ». C’est le message lancé par Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES (plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques). Cette entité de l’ONU, chargée de surveiller l’évolution de la biodiversité mondiale, a publié début mai un rapport inquiétant sur l’état de la planète.
En conférence à San Francisco le 28 mai, dans le cadre de la série FACT-B (French American Talks-Biodiversity), cette experte reconnue a décrypté les 1.800 pages du rapport : « en plus d’informer sur l’état des lieux et les conséquences sur nos vies, on veut fournir des pistes d’action pour changer les choses » explique-t-elle.
Car le constat de l’IPBES est sans appel : trois quarts de la surface de la Terre sont dégradés par l’action humaine. Un million d’espèces sont en voie de disparition sur un total de huit millions, les amphibiens et les coraux en première ligne. « Seulement 10% des océans sont dans un état sauvage. La faute à la surexploitation, à la pollution, précise Anne Larigauderie. La planète est sous le contrôle d’une seule espèce : l’Homme. Et elle dégrade la nature à une vitesse et à une échelle sans précédent. »
Conséquences : en perdant des espèces, la nature ne fonctionne plus normalement, ce qui a des répercussions sur l’Homme. Climat, fertilité des sols, oxygénation de l’eau ou purification de l’air, pour n’en citer que quelques-unes. « À ce rythme-là, on va vers des effondrements de population humaine. On doit penser au reste du vivant et lui laisser de la place » affirme Jean-François Sylvain, président de la Fondation pour la Recherche sur la Biodiversité. Présent lors de la table ronde organisée à San Francisco, il encourage aussi à l’action : « on va dans le mur mais on peut encore tourner ! La nature revient vite… ».
Le rapport de l’IPBES offre un éventail de réponses à tous les niveaux. Pour les gouvernements et collectivités, « le document analyse les pistes qui fonctionnent et qui permettent de légiférer », explique Anne Larigauderie. Il s’agit d’intégrer la biodiversité au cœur des différents secteurs (production alimentaire, agriculture, gestion des eaux, infrastructures…), et d’assumer les efforts et mesures incitatives dédiés. L’individu a aussi son rôle à jouer. « On a tous une responsabilité. En tant que citoyen et consommateur, on peut agir en regardant ce que l’on met dans son assiette ou par son bulletin de vote », recommande l’experte.
Les deux scientifiques français, pontes de la biodiversité, diffusent ces messages depuis des années. « Mais quelque chose d’important est en train de se passer. Nous sommes bluffés par les réactions suite au rapport » affirment-ils en duo. Quelque 24.000 articles de presse dans 150 pays l’ont en effet relayé. Un engouement qu’ils expliquent par ses spécificités : « La communauté scientifique a parlé d’une seule voix, après trois ans d’analyses de près de 15.000 publications remontant à plus de 10 ans. Un processus qui a apporté crédibilité et légitimité », confie Anne Larigauderie.
Mais le travail ne s’arrête pas là et les scientifiques attendent avec impatience les prochains rendez-vous internationaux. Point d’orgue de leur calendrier : les conférences mondiales sur le Climat (COP25 et 26 en novembre 2019 et 2020). D’ici là, ils comptent sur chacun pour se mobiliser.