La nuit n’est pas encore tout à fait tombée quand Benabar sort de scène, fatigué mais heureux. Le chanteur, qui se produit rarement en dehors de France et de quelques pays francophones, faisait sa première américaine à Central Park, devant quelque 5.000 spectateurs… Pression ? Oui, mais, dit-il, « il faut traiter un concert comme un concert, que tu sois ici ou à Rouen. C’est un peu comme quand tu fais l’Olympia, si tu commences à penser aux symboles, à l’histoire, c’est castrateur ». N’empêche, le chanteur avait beaucoup réfléchi au contenu du concert. « On m’a demandé de faire des reprises de chansons connues des Américains, ce qui est je suppose une manière polie de dire que personne ne me connaît ici… », s’est-il amusé sur scène, avant de se lancer dans l’interprétation de « Non, je ne regrette rien » d’Edith Piaf. « Sérieusement, j’étais super content de le faire, confie-t-il une fois sorti de scène. C’était l’occasion rêvée : je ne vais jamais la chanter ailleurs, et d’ailleurs je ne fais jamais de reprise. Là, je me le suis autorisé ! ».
Benabar avait aussi préparé une autre reprise, celle de « Comme d’habitude » de Claude François, en traduisant en anglais le texte original (et non pas le texte de « My Way » qui a rendu la chanson célèbre aux États-Unis). Il a finalement fait l’impasse, « pour ne pas entrer dans des débats stériles sur “est-ce une chanson française ou américaine ?”… » et a consacré l’essentiel de son tour de chant à ses succès, dont « Le dîner ». L’essentiel, dit-il, est d’avoir finalement pu chanter ici, (« on aurait dû venir il y a trois ans, mais il y a eu la pandémie… »), et de l’avoir fait en compagnie de tous les musiciens et techniciens qui l’accompagnent depuis vingt ans. « C’est le pied de pouvoir être ici tous ensemble… Il y avait plus de volontaires que pour aller à Dreux, c’est marrant… ».
Ce Bastille Day organisé par le Consulat général de France à New York et le Comité des Association françaises et de langue française (CAF), se voulait résolument éclectique avec, en ouverture, des démonstrations de breakdance par un groupe des jeunes danseurs français et américains, façon d’anticiper les J.O. de Paris 2024, où le breakdance (ou breaking) fera son entrée comme discipline olympique (depuis la Place de la Concorde). Puis après Bénabar, le rappeur Passi a fait danser la foule au son de ses succès, des « Flammes du mal » à « Je zappe et je mate ». À la nuit tombée, le DJ Joachim Garraud, grand habitué de ces soirées Bastille Day, s’est installé sur scène avec Marie Berson, chanteuse, DJ et flûtiste. Leur étonnant duo a transformé la pelouse en dance floor et fait vibrer avec quelques grands classiques de la chanson française remixés (dont encore et toujours Edith Piaf bien-sûr).
« Organiser une soirée comme ça c’est comme un mini-festival, notait Jérémie Robert, le Consul général de France à New York. Le programme est un peu le fruit du hasard, des amitiés qui permettent d’avoir tel ou tel, mais aussi (…) de la volonté de construire un ensemble qui rassemble le plus grand nombre ». C’est aussi une obligation : pour la première fois cette année, ce Bastille Day faisait partie du programme officiel de SummerStage. Si la soirée s’était déjà tenue sur la même scène du Rumsey Playfield les deux années précédentes, les lieux avaient seulement été loués. Être désormais intégré au célèbre festival d’été de Central Park permet de faire baisser les coûts de la soirée (plus de location à payer), mais oblige aussi à présenter un programme susceptible d’attirer le plus grand nombre. « Ils tenaient par exemple à ce qu’on ait du rap, confie le consul. Ça tombait bien : nous aussi ! ».
En faisant le plein (environ 7000 personnes en cumulé pendant les 4 heures de soirée), ce Bastille Day à SummerStage a donc de bonnes chances de devenir une nouvelle tradition française de New York.