« Ce soir, c’était juste dingue. Les gens avaient vraiment envie de faire la fête et de danser. » Depuis la scène de SummerStage, le DJ Joachim Garraud résume bien l’ambiance de ce jeudi 14 juillet au Rumsey Plaifield. Les quelque 5.000 Français, francophones et francophiles venus célébrer Bastille Day à Central Park voulaient profiter à fond d’une belle soirée d’été, avec insouciance et pas mal de rosé. Et ils l’ont fait.
Les rangées de chaises imposées l’an dernier par la ville de New York pour maintenir une certaine distance – et freiner la tentation de danser, crise sanitaire oblige -, ont laissé place cette année à une pelouse synthétique sur laquelle le public s’est installé, à même le sol. Ciel serein et petite brise : le Consulat général de France, organisateur de la soirée, ne pouvait rêver mieux pour célébrer un 14-Juillet post-covid.
Dans un joyeux brouhaha, la fanfare des Cadets Lafayette a donné le coup d’envoi des festivités. « Ça donne du baume au cœur, estimait dès l’entrée, Fanny Didier, une Française installée depuis 7 ans aux États-Unis, ravie de se plonger dans l’ambiance frenchy. « Je recherchais un petit goût de France, confiait l’amie qui l’accompagnait, Maude Jullien, expatriée depuis 13 ans. Et là, quand je suis arrivée, c’est l’odeur du barbecue sandwich-merguez qui m’a attirée ». Leur sourire ne faisait aucun doute : elles savouraient leur moment, tandis que la chanteuse Marie Viapiano entonnait la Marseillaise, avant d’interpréter The Star-Spangled Banner, l’hymne américain.
« Central Park à New York, c’est mythique. Avoir une Marseillaise chantée comme ça, ça donne des frissons », avouait pour sa part le Consul, Jérémie Robert, le regard tourné vers la pelouse bariolée de bleu, blanc et rouge sous l’effet du jeu vestimentaire du public. Les notes de Bach, Rameau et Saint-Saëns ont alors envahi le Rumsey Plaifield, avec une qualité acoustique étonnante. C’est d’ailleurs ce qui a agréablement surpris le violoniste Virgil Boutellis-Taf à l’issue de sa performance aux côtés d’un autre violoniste, Daniel Rafimayeri, et du hautboïste Adam Leites. « C’est incroyable que tout le monde puisse entendre aussi bien en plein air, estimait le musicien, plus habitué à jouer dans les salles de concert new-yorkaises comme Carnegie Hall que sur les scènes en extérieur.
Bastille Day cette année, c’était aussi l’occasion de célébrer les 400 ans de la naissance de Molière. La troupe de Molière in the Park a interprété, en anglais, un extrait de Sganarelle ou le Cocu imaginaire – non sans un certain mérite car capter l’attention d’une audience impatiente de danser relevait de l’exploit -, avant de laisser la place au tempo jazzy et envoûtant de la chanteuse californienne China Moses.
La soirée a également permis de découvrir les sons électro-pop de DeLaurentis, venue spécialement de France pour l’occasion. Fille d’un pianiste de jazz de Toulouse – ami de Claude Nougaro -, la chanteuse-compositrice avait déjà fait deux fois le voyage à New York mais n’y avait jamais interprété ses propres compositions. Ce fut donc une première, avec une programmation mêlant des titres de son album Unica à des reprises d’artistes français emblématiques – Gainsbourg, Daho, Christophe. DeLaurentis a également interprété l’une de ses plus fascinantes variations classiques electro, le boléro de Ravel – clin d’œil notamment au film « Les Uns et les Autres » de Claude Lelouch. « C’est très émouvant d’être ici à Central Park. C’est comme si, d’un seul coup, l’esprit patriotique se réveillait à l’étranger, relevait l’artiste toulousaine qui a pourtant connu d’autres scènes étrangères, en Chine, à Cuba ou récemment en Equateur. Je n’avais jamais fait ça, pour la France, en hommage à la France. »
Sentiment partagé par Joachim Garraud, qui, à la nuit tombée, a littéralement enflamé la pelouse transformée en dance floor. Un closing electro alternant musiques française, américaine et anglaise. « On est fier d’être français, d’autant plus le 14 juillet, quand on peut mélanger des cultures », estimait le DJ et producteur nantais à la fin de la soirée. « Nous, les Français d’Amérique, on se doit de fêter la Bastille dignement, concluait pour sa part Ariane Daguin, qui ne louperait un Bastille Day pour rien au monde – « même si ça manque un peu de Pastis », plaisantait la fondatrice de D’Artagnan, un verre de champagne à la main, avec son humour habituel. « Et quand on est déraciné comme ça dans un pays lointain, on est fier de montrer d’où on vient. » Mission largement accomplie.