Caroline Vigneaux a 50 ans, elle est à la moitié de sa vie, « pile entre les jeunes et les vieux, avec un compte TikTok, mais aussi quelqu’un pour l’alimenter car je n’y comprends rien », et après avoir gravi la montagne de la jeunesse, elle « admire la vue depuis le sommet », avant d’emprunter la pente descendante de la vieillesse. Dans son dernier spectacle « In Vigneaux Veritas », qu’elle emmène en tournée dans plusieurs villes des États-Unis, l’humoriste fait l’aller-retour entre les deux pentes, en essayant de créer du lien entre les jeunes et les vieux sur le wokisme, l’école, le masculinisme, le genre, mais aussi les vacances au ski, l’orthographe, la vie en EPHAD, la communauté LGBTQ+…
Elle distille au passage beaucoup d’informations, toutes vérifiées, selon ses dires : on apprend notamment que le vagin a le même PH que la bière, et que le docteur Kellogg a inventé les corn flakes pour empêcher la masturbation car il la tenait pour responsable de troubles mentaux et physiques. « On peut dire ce qu’on veut quand on est au sommet. Si ça ne vous plaît pas, balek ! Vous ne venez pas au spectacle », lance t-elle avec désinvolture. « Je ne m’interdis aucun sujet : on peut rire de tout, à condition d’être drôle. »
Cette règle, Caroline Vigneaux l’applique également à un sujet très personnel, un viol et deux agressions sexuelles dont elle a été victime et qu’elle évoque publiquement pour la première fois. « Un ami m’a violée pendant que je dormais, et je me suis sentais responsable, dit-elle. J’avais tellement honte que je ne voulais que personne ne le sache. »
Son précédent spectacle, « Caroline Vigneaux croque la pomme », nommé aux Molières 2019, et le téléfilm « Flashback » qu’elle réalise en 2021, témoignaient déjà d’un féminisme très engagé, et la libération de la parole initiée par le mouvement #Metoo a tout changé pour l’humoriste. « Je ne suis pas le problème, je suis une victime, affirme-t-elle. Je voyais d’autres victimes se faire traiter de menteuses, et je n’avais pas le courage de sauter le pas. Il fallait que je dépasse cette lâcheté et que je dise #Metoo à mon tour. J’ai eu l’idée de le faire dans un spectacle, avec mes mots, et de faire rire pour montrer qu’on ne peut pas m’anéantir. » Et tant pis pour les haters masculinistes qui lui disent qu’elle surfe sur une mode, et pour les féministes qui lui reprochent de ne pas avoir porté plainte.
Caroline Vigneaux décrit un processus d’écriture particulièrement douloureux : ne pas tomber dans le pathos, ne pas susciter la pitié, ne pas mettre mal à l’aise son public, mais faire rire, même s’il est très dur de « faire pousser des fleurs dans le caca »… Sur scène, il est difficile pour l’humoriste de revivre ce viol en en parlant tous les soirs, mais sa volonté de changer les mentalités la pousse à continuer : « J’apporte ma petite pierre à l’édifice. Le combat des femmes d’hier permettra aux filles de demain de pouvoir dire un jour : ” Un viol ? C’est quoi ? ” car ces agressions ne se produiront plus. »
Avant de faire de la scène son métier, Caroline Vigneaux était avocate pendant huit ans, notamment au sein du cabinet américain Dewey & LeBoeuf. Cette tournée aux États-Unis est l’occasion pour elle de réaliser un rêve d’alors, de travailler en Amérique, mais « en tant qu’humoriste, c’est beaucoup plus drôle ». Elle reconnaît que son premier métier influe sur son spectacle : « J’ai une écriture très construite, et on me dit souvent que mes textes ressemblent à des plaidoiries, souligne-t-elle. Je joue une partie de tennis avec le public : j’envoie une vanne, il rit, je renvoie une vanne… On a le droit de ne pas être d’accord avec moi, mais ce qui compte pour moi, c’est de faire rire pendant une heure et demie. Je vous garantis que vous n’êtes pas prêts, alors préparez vos abdos ! »
Caroline Vigneaux « In Vigneaux Veritas »