Daniele da Castrovillari, Carlo Pallavicino, Domenico Freschi…Autrefois des grands noms de la musique baroque du 17e, ces compositeurs italiens sont tombés dans l’oubli au fil des années. Recréer et jouer leurs oeuvres est la mission d’Ars Minerva, une association créée en 2013 à San Francisco par Céline Ricci : « Chanteuse lyrique en Europe, j’avais eu la chance de participer à la recréation d’opéras baroques qu’on n’avait pas joués depuis le XVIIè siècle. Lorsque je suis arrivée à San Francisco, en 2007, j’ai constaté qu’il n’y avait rien de tout cela ici. »
Désireuse depuis longtemps de créer sa propre compagnie et de mettre en scène des spectacles vivants, Céline Ricci comble ce vide musical en mettant en scène et en produisant des opéras : « Depuis 2015, nous en avons produit cinq, et le sixième était prêt à être joué quand la pandémie a commencé. Nous allons pouvoir finalement le présenter au public en novembre prochain », se réjouit Céline Ricci. “Messalina” de Carlo Pallavicino est un opéra composé en 1679, sur un livret de Francesco Maria Piccioli. Il raconte la vie tumultueuse et les amours compliquées de Messaline, la femme de l’empereur romain Claude et mère de Britannicus. Il sera joué les 19, 20 et 21 novembre prochains, sur la scène du théâtre ODC, à San Francisco, et les billest seront en vente en juillet. « J’ai choisi cette oeuvre pour sa modernité, en particulier dans les moeurs qu’on y dépeint : Messaline a une vie sexuelle très libre, peu importe s’il s’agit d’hommes ou de femmes », souligne Céline Ricci. « Je m’efforce d’ailleurs de mettre en scène ces opéras de façon intemporelle : on y mélange la Rome ancienne avec des références actuelles, ainsi que des touches de la Venise du 17e, quand l’oeuvre a été créée. »
Baroque et cocktails
Faute de pouvoir jouer sur scène pendant la pandémie, Ars Minerva a lancé un rendez-vous mensuel baptisé “Cocktails and chit-chat”, afin de poursuivre sa promotion des oeuvres baroques peu connnues : « Tout le monde était triste pendant la pandémie, alors nous avons décidé de parler musique en buvant un cocktail ! On discute soit d’un compositeur, ou d’un courant de musique peu connu. Je fais aussi des recherches pour proposer un cocktail en rapport avec le thème du jour. Pour notre prochain événement sur le compositeur vénitien Francesco Cavalli, nous allons boire un Venetian Manhattan. »
Parmi les thèmes déjà abordés, Elisabeth Jacquet de la Guerre, une compositrice française du 17ème, première femme à avoir composer un opéra, le Codex Trujillo del Perù, un manuscrit du 18ème qui raconte en partitions et en aquarelles la vie de l’évêque Baltasar Jaime Martínez Compañón, ou encore le processus de recréation d’un opéra oublié. Ce dernier représente des mois de travail : il faut se plonger dans le manuscrit d’origine, se servir de la documentation d’époque, quand elle existe, pour la mise en scène, et traduire le livret en anglais pour les surtitres.
La musique ne meurt jamais
Ars Minerva s’est récemment lancée dans une nouvelle aventure : la publication de partitions. « Quand on recrée une oeuvre, on travaille la partition et on y découvre parfois des erreurs dans le texte, ou dans la musique, qui peuvent venir du copiste. Nous annotons les partitions et nous les rééditons avec ces améliorations. De nombreuses personnes, qui souhaitent jouer ces opéras ou des airs baroques, nous demandaient nos partitions, et ce sera désormais possible de partager ces oeuvres. »
Six partitions sont pour le moment disponibles, aussi bien pour les professionels, les écoles, ou les particuliers. « C’est incroyable de penser qu’une oeuvre, tombée à un moment dans l’oubli, peut être recréée, pour être partagée à l’infini grâce à sa partition. Cela renforce notre rapport spirituel à la musique, qui ne meurt jamais. »