“On peut faire ça rapidement ou pas?” Yann Arthus-Bertrand est pressé en ce lundi. Le journaliste-photographe-réalisateur est en train de monter son prochain film, “Human” , une ambitieuse fresque vidéo de l’humanité qui sera dévoilée en septembre aux Nations-Unies et qui bénéficie du soutien de Google.
Et dans quelques jours, il sera dans l’avion pour San Diego où il viendra donner le coup d’envoi d’un autre bébé: l’exposition “7 milliards d’Autres” ( du 21 février au 13 septembre au Musée des Arts Photographiques).
C’est la première fois que “7 milliards d’Autres” est montrée aux Etats-Unis, étape importante d’un tour du monde commencé en fanfare en 2009 au Grand Palais. Cette année-là, l’exposition s’est hissée à la 29eme place des expositions les plus visitées dans le monde. En six ans, elle a été vue dans 16 villes par plus de 5 millions de personnes. “Ça commence toujours mollo, mais il y avait la queue jusqu’à 7h du soir hier à Lisbonne, où l’exposition était montrée. Je suis vraiment content. On ne sort jamais indemne d’une telle exposition. Elle dit tellement de choses importantes sur nous-même, le vivre-ensemble, la famille…” estime l’auteur du documentaire “Home” et La Terre vue du Ciel. S’attend-t-il au même carton aux Etats-Unis? “Il n’y a pas un endroit où l’exposition n’a pas marché. Pas un endroit” .
“7 milliards d’Autres”, c’est une mosaïque de 6.000 témoignages, “du pêcheur brésilien à la boutiquière chinoise, de l’artiste allemande à l’agriculteur afghan” , rencontrés dans 84 pays différents. Des reporters leur ont posé les 45 mêmes questions, dont “Qu’avez-vous appris de vos parents?” ou “Quel est le sens de la vie selon vous ?” Le résultat est saisissant: un portrait touchant de l’humanité destiné à ouvrir les esprits. “Il n’y a pas plus belle œuvre d’art que l’homme” , glisse Yann Arthus-Bertrand.
Les Etats-Unis ne sont pas un terrain facile pour le Français, qui reste peu connu de ce côté-ci de l’Atlantique. Un article du New York Times le décrivait en 2011 comme “le parfait inconnu aux Etats-Unis” malgré son succès retentissant en Europe, racontant les difficultés rencontrées par le photographe pour faire projeter gratuitement son documentaire “Home” dans les cinémas américains. “Je m’en fous complètement (de ma célébrité aux Etats-Unis)” , lance celui que le Times a décrit comme l’Al Gore français. On a fait beaucoup d’expositions dans le monde mais qu’une seule aux Etats-Unis, à Chicago. On a un côté très activiste, et on n’a jamais réussi à monter une grande expo aux Etats-Unis” .
C’est le musée des Arts Photographiques de San Diego qui a contacté l’équipe de Yann Arthus-Bertrand pour faire venir “7 milliards d’Autres”. “C’est de plus en plus comme ça que ça se passe, note-t-il. J’aurais rêvé de le montrer à New York mais cela n’a pas pu se faire faute de financements”.
Le film, initialement intitulé “6 milliards d’Autres” est un projet de GoodPlanet, la fondation lancée par Yann-Arthus-Bertrand pour sensibiliser le grand public aux conséquences du changement climatique. Il est né en 2003, dans la foulée de La Terre vue du ciel, et a été réalisé par Sybille d’Orgeval et Baptiste Rouget-Luchaire avec l’aide de dizaines de reporters sur le terrain pendant sept ans.
Yann Arthus-Bertrand espère que l’exposition encouragera les curieux à s’engager dans le combat pour la préservation de la planète alors que 195 Etats prévoient de se réunir, en décembre à Paris dans le cadre de la conférence COP21, pour adopter des mesures visant à limiter le réchauffement climatique. “Il ne faut pas attendre grand-chose de ces grandes réunions, juge le militant. Ce sont des réunions consanguines. On est dans une civilisation où la consommation est la clef de la réussite des gouvernements: plus on consomme, plus la croissance est là, plus on peut payer les services publics… Il faut dans ce monde une révolution plus spirituelle que technique, scientifique ou économique.”
Pour lui, la solution viendra d’en bas. “J‘ai défilé à New York avec 400.000 personnes pour la grande marche du climat, il y en avait 20.000 à Paris. Assez étonnamment, le mouvement populaire est un peu plus fort aux Etats-Unis” , observe-t-il.
“Il est beaucoup trop tard pour être pessimiste, on a besoin d’action, il n’y a que les gens qui agissent qui m’intéressent, pas ceux qui parlent. Aujourd’hui, on ne peut pas regarder le monde sans s’engager. C’est ça qui donne du sens à la vie. J’ai découvert ça tard. L’engagement rend heureux” .