Vous êtes enfin arrivé à Manhattan, en plein Midtown, tête dressée vers le ciel pour admirer l’Empire State ou le Flatiron, et voilà que vous buttez malencontreusements sur une de ces charmantes montagnes de sacs-poubelle. Et avec un peu de chance, vous ferez la rencontre de rongeurs à la taille encore inégalée.
Si, en France, déchets et ordures ménagères sont collectés via des containers communs ou des poubelles individuelles, tel n’est pas le cas à New York. Dans une bonne partie de la ville, les New-Yorkais déposent simplement leurs poubelles dans la rue pour le ramassage. Pourquoi ? C’est la question bête de la semaine.
Les principaux responsables de cette situation seraient les créateurs du “Commissioners’ plan of 1811”, le fameux schéma quadrillé (ou plan hippodamien) qui régit une grande partie de Manhattan. Pour Harvey Molotch, sociologue de la ville et professeur à la New York University, “le plan de New York repose sur un système très rationnel, avec une organisation des rues et avenues réalisée en maîtrisant et en optimisant les caractéristiques topographiques, les voies navigables, les espaces privés. C’est une grande réussite de ce point de vue“.
Etabli en vue d’assurer le partage et la vente des parcelles du territoire new-yorkais, le plan d’urbanisme aurait cependant omis de penser la collecte des ordures ménagères. Pour l’universitaire, l’absence d’allées entre les bâtiments serait le principal problème. En effet, les créateurs du plan ne souhaitaient pas voir émerger des petites rues piétonnes sombres et mal famées. Problème: celles-ci sont, admettons-le, utiles pour placer bennes à ordures et poubelles communes. “New York a été pensée sans ruelles ou contre-allées. Bien que la ville ait été pensée avec modernité et dans le but de maximiser le bien être général, les allées n’ont pas été délimitées“.
Avec l’accroissement de la population et le flot parfois incessant de piétons dans certains quartiers, il est devenu de plus en plus difficile de “caser” des bennes. Et le volume de déchets produits par les New-Yorkais et les commerces est énorme: 50.000 tonnes par jour.
Autre problème: certains bâtiments de l’époque auraient été construits sans local pour poubelles. Pour Robin Nagle, anthropologue à la New York University, un tel espace reste “très limité voire inexistant” à New York. D’autant que de nombreux immeubles n’ont pas de personnel chargé de sortir les déchets.
Ce système va-t-il perdurer ? Pour l’anthropologue, les New-Yorkais sont tellement habitués à jeter leurs sacs plastique dans la rue qu’il serait difficile de changer la donne. “Cela nécessiterait une coordination de l’action privée pour le bien commun. Et ce n’est jamais facile aux Etats-Unis, notamment dans des grandes villes axées surtout sur le business comme New York. Il y aurait de grandes disputes sur la localisation des poubelles communes, le contrôle de leur contenu… En outre, faciliter le ramassage des ordures ne génère pas d’argent, explique Harvey Molotch. Money wins“.
Quelle solution alors ? Réduire ses déchets et surtout les recycler. C’est d’ailleurs le leitmotiv du NYC Department of Sanitation (DNSY), l’agence sanitaire de la ville. Avec son programme “Zero Waste by 2030”, l’un des points clé du programme de Bill de Blasio, New York espère donc, à l’instar de San Francisco, recycler l’ensemble des déchets récupérés dans l’agglomération d’ici une dizaine d’années. Un pilote autour des déchets organiques est en cours dans la plupart des quartiers de Brooklyn et de Queens. Chaque résident participant reçoit alors une poubelle extérieure et une poubelle de cuisine spécifique dédiée aux putrescibles.
Autre campagne phare de la ville, “The NYC Compost Project” entend démocratiser l’installation de bacs et poubelles à compost dans la ville. Le projet encourage notamment la plupart des écoles new-yorkaises à mettre en place leur propre compost, mais soutient aussi des immeubles qui souhaitent faire partie du programme.
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