French Morning continue sa série pré-electorale “Moi, Français et électeur américain”. Nous partons à la rencontre de bi-nationaux à travers le pays qui nous font découvrir les enjeux de l’élection, et les spécificités du système.
Solidement républicain depuis une quarantaine d’années, le Texas peut-il basculer? Nourri par des sondages qui se rapprochent (vainqueur avec plus de 9 points d’avance en 2016, Donald Trump n’en compte plus que 4% en moyenne dans les sondages contre Joe Biden), ce rêve démocrate alimente bien des spéculations dans la presse.
Installé depuis 35 ans aux Etats-Unis, Dominique Moran n’y croit guère. Ce binational, directeur régional d’une maison de vins et champagnes, est persuadé que les médias ne reflètent pas la réalité. « Personne ne connaît le pourcentage des “voix silencieuses”. La presse est de parti pris et n’entend pas l’Amérique profonde. Beaucoup ont honte d’avouer voter pour Donald Trump car le personnage est agaçant, mais les valeurs républicaines restent ancrées ici », assure-t-il.
Pourtant, au-delà même des sondages, les démocrates ont quelques bonnes raisons de regarder avec envie les 38 grands électeurs promis au vainqueur du Texas. La population a en effet changé; les centres urbains ont explosé -ces grandes villes ont presque toutes des maires démocrates- et la population est beaucoup plus diverse. En une génération, le poids démographique des latinos a triplé. « Ils sont jeunes, représentatifs de la diversité ethnique, employés dans de grandes sociétés et constituent bel et bien un nouveau vivier anti-Trump, reconnaît Dominique Moran. Donc la démographie de l’Etat n’est plus ce qu’elle était il y a dix ou vingt ans. La population rurale républicaine dans l’âme est âgée ». Et l’image des suburbs que défend Donald Trump est sans doute dépassée. L’heure n’est plus au “white flight” des années 1960: les banlieues d’aujourd’hui sont elles aussi très diverses, tel le comté de Fort Bend -le plus riche de l’Etat-, à l’ouest de Houston où une minorité de blancs cohabite avec une forte classe moyenne supérieure asiatique notamment. Agiter le chiffon rouge de la diversité comme le fait Donald Trump pourrait s’avérer contreproductif.
L’économie, carte maîtresse de Trump?
Mais Dominique Moran met en garde contre une interprétation démographique simpliste qui voudrait que le vote hispanique -ou des minorités- soit forcément démocrate: «Ici, de plus en plus d’hispaniques votent pour Donald Trump. Les républicains leur ont permis d’améliorer leur vie. Il en est de même pour la classe noire américaine, largement soutenue et aidée par ce gouvernement. Rien n’avait été fait pour eux auparavant sous la période Obama », estime Dominique Moran. Si la Covid-19 a changé la donne, l’économie reste malgré tout une carte maîtresse de Donald Trump. Les Texans continuent de créditer le président sortant de la très forte croissance -et du taux de chômage historiquement bas- dont il pouvait se targuer avant la pandémie.
« Il reste perçu par beaucoup comme le mieux placé pour gérer la relance économique », estime Dominique Moran, qui voit là la meilleure carte de Donald Trump. « Les enjeux économiques sont trop importants au Texas. Pas sûr que les pétroliers laissent les démocrates s’approprier le deuxième État le plus riche du pays. La fracturation hydraulique ou fracking est aussi un point de discorde mais vital pour cette industrie. Les Texans sont très nationalistes mais pas démonstratifs. Enfin, on ne change pas de président pendant une guerre ou une crise car l’inconnu est trop dangereux », conclut le franco-américain, convaincu que le Texas ne changera pas de couleur en tout cas pas pour cette fois.