Les supporters de Donald Trump ne sont pas nombreux à New York, mais il y en a. Caitlin (prénom changé), une Américaine de 33 ans, en a croisé un sur Tinder il y a quelques semaines. Après les traditionnels échanges un peu forcés, cette démocrate de Brooklyn a fini par mettre les pieds dans le plat. “Tu as voté pour qui à la dernière présidentielle ?” “Trump” a-t-il écrit après une petite pause dans le tchat, sentant peut-être le couperet tomber. “Je lui ai dit que cela ne pouvait pas marcher et on s’est arrêté là”.
Comme si trouver l’âme soeur n’était pas assez difficile comme ça à New York, les célibataires doivent désormais compter avec un nouvel obstacle: Donald Trump. Depuis l’élection acrimonieuse de 2016, l’étiquette politique de la personne en face compte plus qu’avant. Et cela peut briser bien des histoires naissantes. “J’ai l’impression que le thème de la politique arrive plus tôt qu’avant dans les conversations, observe Caitlin. Je n’étais pas particulièrement intéressée par la politique, mais l’élection a été un tournant. Je suis allée à la Marche des Femmes. J’ai participé à des manifestations. Je ne supporte pas ce président. Pour moi, sortir avec quelqu’un qui cautionne les politiques de Trump est impensable. C’est une question de valeurs“.
Cailtin n’est pas la seule. CNN (entre autres) a consacré un long article à ces célibataires new-yorkais de bords politiques opposés. Le papier évoque le cas d’un homme qui a rompu avec sa copine, avec laquelle tout se passait bien, quand il a appris qu’elle avait voté pour le milliardaire. Il se sont remis ensemble après sa victoire surprise mais le discours d’investiture du républicain en janvier a apporté le coup de grâce à la relation.
Maria Avgitidis, fondatrice du site de match making Agape Match, confirme que la politique fait désormais partie du jeu. “J’avais l’habitude de dire: ne laissez pas l’idéologie barrer la route à l’amour, (mais) quand quelqu’un rencontre quelqu’un d’autre, il veut connaitre ses valeurs et son style de vie“, dit-elle dans le New York Post.
En février, le site de dating OK Cupid a inclus des questions liées à Donald Trump dans son questionnaire de compatibilité. Il a trouvé que 72% des personnes estimaient que sortir avec un supporter du républicain était une raison suffisante pour tout arrêter. Les employés du gouvernement Trump s’en sont aperçus à leurs dépends à Washington DC. En juin, le site d’information politique Politico consacrait un long article à leurs difficultés à trouver l’âme soeur dans une ville où ils sont honnis. Une d’elle raconte avoir été traitée de “raciste” et de “bigot” (en lettres capitales, s’il vous plaît) dans un message.
Leur réponse à ces déconvenues amoureuses est finalement tristement humaine. Ces jeunes trumpistes ont fini par sortir entre eux et à s’enfermer un peu plus dans leur bulle. Et ils ne sont pas les seuls à avoir la même idée. Ce n’est pas un hasard si les sites et apps de dating politique, comme Trump Singles à droite ou Bernie Singles à gauche, se sont multipliés ou ont gagné en popularité depuis un an.
“Je trouve dommage qu’on choisisse de ne voir que des gens qui pensent comme nous. C’est tellement facile de faire ça aujourd’hui, lance autour d’un verre une Française de New York qui pratique les apps de dating. Elle précise qu’elle n’a jamais eu affaire à un supporter de Donald Trump sur Tinder ou Happn. “Si cela se présentait un jour, je lui donnerais sa chance. J’écouterais ses raisons si on en vient à parler de ça. On est Français. On aime débattre!“.
“Ouais, après, s’il a des posters de Trump dans sa chambre ou qu’il se trimballe avec sa casquette rouge, ça ne marcherait pas pour moi…, glisse sa voisine, Française aussi. On ne peut pas rester sans rien dire face à un président comme lui. Ce n’est pas un républicain traditionnel. En tant que Française immigrée, c’est quasiment un acte de résistance de refuser de sortir avec des gens qui le soutiennent. C’est triste d’en arriver là, mais c’est comme ça“.
L’hebdo alternatif Isthmus ne dirait pas le contraire. À un lecteur de gauche, surnommé “The Resistance”, qui se sentait mal d’avoir couché avec une électrice de Donald Trump, ce journal du Wisconsin a répondu sans détour: “Vous devriez avoir honte de vous. Vous décriez le “programme destructeur” de Trump et vous l’appelez une “menace à notre démocratie”. Mais, malgré ces sentiments forts, vous n’avez pas eu le courage de faire connaitre votre point de vue face à une femme séduisante qui dit le contraire“.
Qu’on se rassure, il y a encore des couples qui ne partagent pas les mêmes opinions politiques et qui s’aiment (oui, oui, c’est possible). Le New York Times leur a donné la parole en février . Un d’eux a même dit que Trump avait été une chance pour leur mariage. Lui était supporter de Ronald Reagan, elle démocrate. “Pour la première fois, nous étions d’accord. Nous étions tous les deux affligés que quelqu’un de si incompétent puisse être élu“.