Anne Trager n’a pas attendu le récent plaidoyer de l’auteur Benjamin Moser dans le New York Times, en faveur de la traduction en anglais de livres étrangers, pour se retrousser les manches. Originaire de l’Ohio, cette Américaine francophile a grandi dans une famille de linguistes avant de venir en France en échange scolaire. Elle n’en est jamais revenue.
Aujourd’hui, souhaitant ramener aux Américains ses extraordinaires trouvailles de l’Hexagone, elle vient de monter Le French Book, une maison d’édition de polars français traduits en anglais. “La lecture, pour moi, ça a toujours été le polar” , s’exclame cette fan de Michael Connelly, Lee Child et Ian Fleming.
L’aventure commence il y trente ans. Après une école de cuisine et quelques stages, Anne Trager travaille comme cuisinière dans le privé à Paris. Des études à l’INALCO et six mois en Chine la mettent sur la voie de la traduction puis de l’édition.
Elle plaque tout
Rapidement, sa carrière évolue. Elle bascule dans la communication. « Un jour, j’ai pris l’avion depuis Toulouse, près de là où j’habite, à 5 h du matin pour Paris. Il y avait une réunion à laquelle je devais absolument assister et je n’en avais pas du tout envie ». En 2011, Anne Trager comprend alors qu’elle n’aime plus son métier et appelle son mari, « un homme formidable », pour lui annoncer qu’elle envisage de prendre une année sabbatique et qu’il devra donc subvenir seul à leurs besoins.
Il accepte tout de suite. « Dans l’avion du retour, je lisais un livre sur l’écran de mon téléphone et j’ai commencé à réfléchir. C’était l’époque où l’on croyait encore que les e-books allaient changer le modèle de l’édition ». En 2012, elle lance Le French Book.
10-12 livres en 2016
À l’époque, les polars disponsibles le sont en format e-book. « J’avais peur que les maisons d’édition ne soient pas d’accord avec cette idée. En fait, elles m’ont vraiment soutenue ». Surtout Albin Michel et Fayard qui sont les premiers à signer. Deux ans plus tard, la petite maison d’édition a commencé à publier des livres physiques. Pour Anne Trager, « on a vraiment commencé à ce moment là ».
Aujourd’hui, la plupart des polars traduits du French Book existent aussi en version audio. Le format importe peu, c’est l’histoire qui compte. Et pour les Américains, ce sont celles qui se déroulent à Paris qui fonctionnent le mieux. La série Shadow Ritual d’Eric Giacometti et Jacques Ravenne, The Paris homicide series de Frédérique Molay, mais aussi tout ce qui est représentatif de la France dans l’imaginaire américain, comme The Winemaker Detective Mysteries, la série de Jean-Pierre Alaux et Noël Balen qui se passe dans des vignobles
Le French Book n’est pas établi en France, mais à New York. « New York est le centre de l’édition. Je pense que c’est important pour les auteurs et les éditeurs que notre maison soit ici, mais c’est aussi très important pour les lecteurs ». Une maison d’édition qui a pour ambition de publier dix à douze ouvrages en 2016.