Sans les quelques objets de déco posés au sol attendant d’être accrochés, difficile de penser que le studio a ouvert il y a à peine trois mois. Dans les trois salles – l’accueil, le studio photo et l’atelier -, des plantes vertes, des coussins blancs, des sièges en bambou sur des tapis en macramé. Une ambiance très bohème-chic, très zen, rehaussée par la musique douce diffusée en fond. « J’avais vraiment envie de recréer une ambiance spa, d’offrir une vraie expérience. »
Anaïs Chabane n’est pourtant pas à la tête d’un salon de beauté mais d’un salon de tatouage. L’un des plus courus de LA. Ses clients ? Des femmes uniquement, épouses de célébrités telles que Brittany Furlan, la femme de Tommy Lee et Candice brook, l’épouse du joueur de football Leroy Sané, des mannequins influenceuses comme Tina Louise, ou des inconnues fans de son travail, à la popularité grandissante sur Instagram (233.000 abonnés à ce jour), capables de traverser le pays ou de venir du Canada pour un tatouage de l’artiste.
Inspirations marocaines et indiennes
« Je suis spécialisée dans l’ornemental, c’est-à-dire des dessins qui ressemblent à ceux que l’on fait au henné dans les pays arabes, et au mandala, explique l’artiste de 29 ans. Mon inspiration vient de mes origines, je suis marocaine par mon père, et aussi de mes voyages en Inde qui m’ont émerveillée. Je ne fais que ça, rien d’autre, et je suis de plus en plus difficile, je choisis vraiment mes projets. »
A l’adolescence, cette Parisienne d’origine, à la voix douce et au sourire généreux, avait plutôt dans l’idée d’apprendre l’art de couvrir les peaux que celui de les teinter. Alors qu’elle est en terminale Couture, ses copains eux rêvent de devenir tatoueurs et s’entraînent après le lycée. Elle finit par essayer. « Ça m’a amusée, et je me suis prise au jeu. » Jusqu’à vouloir changer d’orientation.
Le problème : en 2010, il n’y a pas encore d’écoles de tatouage, et la technique s’apprend via la transmission, de tatoueurs en tatoueurs. Anaïs Chabane cherche mais ne trouve pas de formation accessible. Elle décide donc d’apprendre toute seule. « J’ai regardé des tutos sur Youtube, je demandais des conseils à certains professionnels via Messenger, et je m’entrainais sur des peaux synthétiques dans le salon ou la cuisine de mes parents. Au lieu de 6 à 12 mois, ça m’a pris 2 ans et demi ! Tout est compliqué quand tu commences ! »
Son premier tatouage, elle s’en souvient très bien : « une catastrophe ». « C’était un diamant, et on n’imagine pas, mais c’est hyper dur à faire. Je tremblais comme une feuille, j’ai littéralement perdu mes moyens. Heureusement c’était un pote, il ne m’en a pas voulu ! » Le premier tatouage qu’elle se fait faire est lui-aussi raté, « des ailes dans le dos, beaucoup trop grandes, vraiment moches. J’ai été complexée pendant des années, le comble pour une tatoueuse ! Depuis je l’ai fait recouvrir. » Son dos, mais aussi ses jambes, ses bras, ses mains, ses doigts, son ventre, et même son visage. Très peu de peau est exempte de dessins. « Je ne sais même pas combien j’en ai ! Une fois que tu entres dans ce milieu, tu découvres des artistes et tu as envie d’avoir leur œuvre sur toi, alors tu continues. »
De Toulouse à Los Angeles
A 21 ans, après avoir perfectionné sa pratique et gagné en confiance, la jeune tatoueuse ouvre son salon à Toulouse, région où elle avait déménagé quelques années plus tôt avec ses parents. « Je ne réalisais pas ce que je faisais, à l’époque, je trouvais ça normal. Aujourd’hui, quand j’y repense, je me dis que je me suis bien débrouillée. » Très vite, le bouche-à-oreille remplit son salon, sa spécialisation en ornemental la fait connaître, et c’est le succès. Elle travaille beaucoup, et s’offre chaque année des vacances à Los Angeles, ville qui la fait rêver. Jusqu’au jour où elle décide de tout quitter pour s’y installer.
Elle travaille à la constitution de son dossier de visa artiste pendant un an, et finit par l’obtenir en 2019. « Quand je suis arrivée il y a 2 ans, je n’avais rien. Il a fallu tout recommencer à zéro. Les débuts ont été compliqués, mais maintenant tout roule. On n’attend plus que la green card de mon mari (un artiste peintre – Starky – occupant l’atelier d’à-côté), et on pourra se lancer dans d’autres projets, comme ouvrir un salon de tatouage plus grand sur Melrose, avec pignon sur rue. Moi par contre, je continuerai à travailler ici. J’adore cet endroit, j’adore mon travail, j’adore ma vie en Californie. » Avec une quinzaine de demandes par jour et un agenda qui affiche complet sur les trois prochains mois, il semblerait que la Californie l’aime aussi.