America, c’est une promesse: “L’Amérique comme vous ne l’avez jamais lue”, l’Amérique d’aujourd’hui, celle dont on parle peu, celle qui a voté Trump ou celle qui résiste, celle qui a abandonné tout espoir ou qui au contraire en a trop.
L’idée du “mook” (mix entre magazine et book), est née après la victoire surprise du candidat républicain le 8 novembre 2016. “Pendant toute la campagne, j’ai lu, vu et entendu dans la presse, des experts nous expliquer qu’Hillary Clinton allait gagner. Ces experts étaient bons pour certains, mais parfois auto-proclamés ou pas assez en contact avec la réalité du pays“, explique François Busnel, journaliste et co-fondateur d’America. Avec Eric Fottorino, ancien patron du Monde, le journaliste et critique littéraire décide de donner la parole à des auteurs pour raconter l’Amérique. “Les écrivains racontent cette Amérique en guerre, cette Amérique post-terrorisme qui passe de Bush à Obama pour finalement élire Trump“.
America est un magazine éphémère, qui s’arrêtera avec le mandat de Donald Trump. “Ce qui nous intéresse, c’est d’être les témoins d’un temps, de saisir une époque. Trump est fou, c’est un personnage de roman. On a envie d’être les mémorialistes de cette époque“. François Busnel, qui parle de son magazine avec passion, ne redoute pas la fin. Au contraire, connaître la date du dernier numéro est selon lui une très bonne chose: “On ne peut pas bâcler, chaque numéro doit être un feu d’artifice“.
Le projet des Français a été plébiscité par les plus grands auteurs, américains comme français. Toni Morrison, James Ellroy, Jim Harrison, Philippe Besson, Paul Auster ou encore Maylis de Kerangal. Chacun raconte à sa manière par une nouvelle ou un reportage, un bout d’Amérique. Dans le numéro 3, Philippe Besson raconte son road trip avec son compagnon de Chicago à la Nouvelle-Orléans, traversant des Etats où l’homophobie demeure importante. Un récit non-journalistique, écrit à la première personne, qui se lit comme un roman.
America, c’est en moyenne 200 pages de récits, d’enquêtes, de nouvelles, de photos. Un format long pour donner aux auteurs le temps de voyager, de rencontrer et de raconter. Outre les romanciers, des journalistes, grands connaisseurs des Etats-Unis comme Philippe Coste ou Sylvain Cypel, signent des reportages. “Aujourd’hui, les rédactions demandent aux journalistes de faire court, de simplifier leur pensée. Le résultat, c’est qu’on passe à côté de ce qui est complexe“, explique François Busnel, qui a donné trois semaines à Sylvain Cypel pour se balader dans la “Rust Belt”, à la rencontre des électeurs blancs et pauvres. “Il a frappé aux portes, dormi chez les gens“.
Le prochain numéro paraîtra en février et sera consacré à la violence aux Etats-Unis. Parmi les surprises, “Guns”, une nouvelle inédite de Stephen King, écrite exclusivement pour America, après la tuerie de Las Vegas en octobre dernier, et qui a profondément choqué l’auteur à succès de 70 ans.
Les trois premiers numéros d’America ont très bien fonctionné en France, ce qui a permis au magazine de s’auto-financer sans publicité. François Busnel et Éric Fottorino espèrent aujourd’hui publier une version en anglais à paraître aux Etats-Unis, pour faire connaître aux Américains ce regard d’auteurs locaux, mais aussi d’écrivains et de journalistes français, sur leur pays.