Rien n’est banal dans le parcours d’Alain Mabanckou, qui ne m’en voudra pas, je l’espère, de pointer d’abord son physique, tout à fait digne de celui d’un pivot de NBA.
Je me souviens précisément de notre première rencontre à Bamako, au Mali : notre athlète travaillait encore dans l’industrie et venait de publier son premier roman aux Editions du Seuil, Verre cassé (2005). La truculence de son style avait frappé chacun, et sa personne même, bienveillante, ironique m’avait saisi d’emblée.
Alain Mabanckou est né à Pointe-Noire au Congo-Brazzaville, pays de forte tradition littéraire. Elevé par une mère attentive qui l’envoie étudier en France, il obtient les diplômes qui lui permettent une carrière prometteuse en entreprise. En même temps, il écrit des poèmes, donne ses premiers essais romanesques à de modestes maisons, et atteint d’un coup au succès et à la renommée avec ce Verre cassé, lauréat de plusieurs prix. Alain Mabanckou entre alors de plain-pied dans la carrière, et se consacre uniquement à l’écriture et à l’enseignement : succès ininterrompu.
Cet écrivain français, puisque c’est en cette langue qu’il s’exprime, connaît une évolution qui s’apparente à un destin. Lauréat du Prix Renaudot pour Mémoires de porc-épic en 2006, professeur aux Etats-Unis, à Ann Harbor puis à UCLA où il traite des littératures francophones, il est nommé en 2016 au Collège de France, l’une des plus prestigieuses institutions du pays.
Sa mémorable “leçon inaugurale”, empreinte de sa révérence envers les poètes de la “négritude” Césaire et Senghor, résonne en profondeur. C’est que cet homme porte en lui une sensibilité tricontinentale : l’Afrique des origines, l’Europe de l’expression, l’Amérique de la transmission. Nul doute qu’il passionnera son public, les jeunes en particulier.
Olivier Barrot