L’histoire d’une licorne de la French Tech n’est pas forcément celle d’une idée révolutionnaire conçue par des Millenials, suivie d’une croissance fulgurante. Olivier Pailhes, le fondateur d’Aircall, basé à New York, a mis du temps à trouver le bon produit et business model, mais les efforts ont payé : la semaine dernière, le groupe de services de téléphonie via le cloud a annoncé une levée de fonds de série D de 120 millions de dollars auprès de Goldman Sachs et de ses actionnaires historiques, qui le valorise à 1,1 milliard de dollars. Et devient de ce fait la 16ème licorne hexagonale.
Une belle reconnaissance du chemin accompli pour Olivier Pailhes, qui s’est lancé dans l’entrepreneuriat à 36 ans après avoir dirigé des usines d’acier chez ArcelorMittal. Après avoir reconnecté avec un ancien collègue du Boston Consulting Group où il a démarré sa carrière, il commence chez eFounders, un studio de lancement de startups, à à réfléchir un nouveau produit innovant dans la téléphonie. « Nous voulions créer un produit simple, comme Gmail pour le téléphone », raconte-t-il. Mais le CTO ne reste pas et à court d’argent, il part dans la Silicon Valley trouver quelques investisseurs, et revient pour finir un premier tour de table. « Cela a été le moment fondateur d’Aircall. Nous avons décidé de nous lancer et nous sommes partis quatre mois en immersion à San Francisco ». La société trouve ses premiers clients aux États-Unis, mais contrairement au mythe, ce n’est pas l’eldorado du financement pour toutes les startups. Faute de trouver de nouveaux investisseurs, les quatre cofondateurs rentrent en France et trouvent le fonds britannique Balderton comme premier actionnaire de référence, début 2016.
Aircall se développe et lève de nouveaux tours de table, en 2018 puis en avril 2020, en plein éclatement de la pandémie. « Nous avons décidé de closer très rapidement, quitte à accepter une baisse de valorisation. L’important était d’avoir de l’argent pour continuer à accélérer ». Cela frustre aussi les investisseurs arrivés trop tard, qui sollicitent l’entrepreneur dès ce début d’année. « Nous n’avions pas prévu de lever maintenant, mais le marché était très chaud et on a décidé d’en profiter ». Car si Aircall a comme beaucoup perdu ses clients du secteur des voyages pendant la pandémie (ils représentaient 10 % de ses revenus), il a aussi profité à plein de l’essor de l’e-commerce, et de la digitalisation des PME et entreprises plus traditionnelles, par exemple dans la plomberie, climatisation etc. De nouveaux clients qu’il n’attendait pas. « On s’est rendus compte que notre marché était encore plus large qu’anticipé ». Résultat, la startup enregistre 70 % de croissance en 2020, et génère 35 % de son chiffre d’affaires aux Etats-Unis.
Elle compte s’appuyer sur cet argent frais pour recruter en masse, 260 personnes sur un total de 460 employés à l’heure actuelle. Beaucoup de profils ingénieurs, afin d’intégrer son outil dans les applications existantes (il s’intègre aujourd’hui dans une centaine d’entre elles : Salesforce, Slack etc) mais aussi de proposer de nouveaux produits comme les alertes textes, les vidéos ou les recherches vocales. « Nous sommes un produit de productivité pour nos clients ». Il envisage en outre de se lancer dans des acquisitions de services complémentaires au sien. Aircall a les moyens de ses ambitions, et vise 80 % de croissance cette année, et 300 millions de dollars de revenus d’ici à fin 2024. L’étape suivante sera celle de l’IPO au Nasdaq. Le fondateur est déjà sollicité très régulièrement, mais temporise. « Nous serons prêts d’ici 18 à 24 mois, on ne veut pas précipiter les choses ». Bonne nouvelle, il est maintenant entouré par la banque américaine de référence sur les introductions en Bourse, Goldman Sachs.