Le nombre de maisons et d’appartements new-yorkais disponibles à la location courte durée devrait être bientôt réduit à peau de chagrin. À partir du 5 septembre, la ville de New York va mettre en application le « Short Term Rental Registration Law », qui oblige les hôtes à enregistrer leur logement auprès d’un bureau du maire de la ville, l’Office of Special Enforcement (OSE).
La loi Local Law 18 remonte en réalité à janvier 2022 et consiste à interdire les locations de logements entiers pour une courte durée. Elle va désormais être appliquée de façon stricte, à travers ce processus d’enregistrement qui demande des détails sur l’appartement, l’identité et le nombre d’occupants. « Vous ne pouvez pas louer un appartement entier ou une maison entière à des visiteurs pour moins de 30 jours, même si vous êtes propriétaires ou habitez dans l’immeuble. Cela s’applique à tous les immeubles résidentiels permanents », indique le site de l’OSE.
En tant qu’hôte new-yorkais, vous aurez donc deux options : soit vous devez être présent dans le logement pendant le séjour des voyageurs de moins de 30 jours, et vous ne pourrez louer qu’à deux personnes maximum. Soit vous pouvez louer votre logement entier pour une période de plus de 30 jours. Ce qui revient à une « interdiction de facto des locations courte durée », selon la plateforme de location de logements Airbnb. Elle prévoit des pénalités pour les locations illégales d’hôtes, qui pourraient aller jusqu’à 5.000 dollars ou trois fois les revenus générés par la location. Les hôtels, pensions et chambres d’hôtes qui ont un statut de classe B peuvent appliquer pour une exemption.
Cette mise en application est l’aboutissement d’un bras de fer de plusieurs années entre Airbnb et la ville de New York, qui dit vouloir lutter contre la pénurie de logements abordables à New York. Airbnb avait porté plainte et obtenu un délai de grâce avec le report de sa mise en application de début juillet au 5 septembre, mais une juge de la Cour Suprême de New York l’a finalement débouté le 9 août dernier.
C’est un coup dur pour toutes les plateformes de ce secteur (Expedia, VRBO etc), mais Airbnb est de loin le plus actif dans la ville. « Les nouvelles règles de location court terme de New York sont un coup majeur pour l’économie du tourisme et les milliers de New-Yorkais et de petites entreprises dans les banlieues qui comptent sur le partage de logements et les dollars du tourisme pour boucler leurs fins de mois. La ville envoie un message clair aux millions de visiteurs potentiels qui auront désormais moins d’options quand ils visitent New York City : vous n’êtes pas les bienvenus », a déclaré Theo Yedinski, global policy director chez Airbnb, dans un communiqué.
Concrètement, les plateformes ne pourront pas recevoir et transférer l’argent des locations au bénéfice d’hôtes qui ne seront pas enregistrés à partir du 5 septembre. Les pertes en vue sont conséquentes : Airbnb, qui génère 85 millions de dollars par an de locations court terme à New York, estime qu’il va perdre 95% de ces revenus après l’entrée en vigueur de ces obligations (à titre indicatif, le groupe de Brian Chesky a dégagé 8,4 milliards de dollars de revenus en 2022). Il fait valoir que New York est une anomalie par rapport aux autres villes américaines, qui ont régulé les locations courte durée mais autorisent celles de logements entiers. Et que les logements Airbnb sont plus dispersés sur les cinq boroughs de la ville – moins de 50% des annonces se situent à Manhattan – et contribuent à animer des quartiers peu pourvus en hôtels.
Pour le moment, c’est peine perdue. Et même pour ceux qui sont autorisés à opérer, il faut attendre le sésame du bureau OSE de la ville de New York, qui a pris beaucoup de retard pour approuver les logements qui répondent aux critères. Au 27 août, la ville avait reçu 3.250 demandes d’enregistrement et n’en avait approuvé que 257.
Au vu des prix de l’immobilier et des loyers à New York, mais aussi de l’inflation galopante de ces derniers mois, cette nouvelle réglementation est une très mauvaise nouvelle pour les New-Yorkais qui en faisaient usage pour payer leur crédit ou leur loyer et arrondir leurs fins de mois. « J’avais recours à Airbnb pour louer mon appartement quand je voyageais pour le travail ou partais en vacances. Cela représentait un revenu significatif pour moi, et je ne participais pas à une bulle spéculative à New York », se défend Matthieu, qui louait son 2-bedroom à East Williamsburg.
De son côté, Marie Gentine qui a activement loué sa maison à Harlem il y a quelques années, a suivi le sujet de près et est active au sein de l’organisation RHOAR (Restore Homeowner Autonomy and Rights), un groupe de propriétaire de maisons pour une ou deux familles, qui essaie d’obtenir une exemption à cette loi. « Nous sommes des propriétaires de maisons et ne gênons personne. Les locations longue durée sont trop risqués, je connais beaucoup de propriétaires qui ne sont pas payés et les locataires sont très protégés ici » , explique-t-elle. Dernière lueur d’espoir, le maire de New York, Eric Adams, va rencontrer les représentants de RHOAR le 6 septembre prochain. Ils demandent un nouveau délai pour une entrée en vigueur de ces nouvelles règles en janvier 2024.