Les vignerons français n’ont pas été épargnés aux États-Unis : deux ans de pandémie, la taxe Trump sur les importations de vins – qui a été depuis suspendue par l’administration Biden – et surtout la fermeture des frontières avec l’Europe. Mais ils n’ont pas déclaré forfait avec le marché américain. La preuve, ils se sont mobilisés en masse pour le retour de Vinexpo America, le salon B-to-B des producteurs de vins qui se tient au Javits Convention Center, à Hudson Yards (9 et 10 mars). La dernière édition avait eu lieu début mars 2020, juste avant l’éclatement de la crise et en plein tourment de la taxe Trump de 25 % sur les importations de vins et eaux-de-vie.
Cette année, la majorité des producteurs de l’Hexagone se sont rassemblés derrière le pavillon français et la marque Taste France, sous l’impulsion de Business France. La présence montre la motivation des maisons françaises pour maintenir ou prendre leur place sur le juteux marché américain : 62 producteurs ont répondu présents, soit une hausse de plus de 50 % par rapport à 2020.
Sur place, les exposants ont le sourire aux lèvres, grâce à la levée du masque obligatoire seulement deux jours avant la tenue du salon. « Nous avons eu pas mal de passage. C’est un salon à taille humaine ce qui est agréable, car les gens s’arrêtent et prennent le temps de discuter », se réjouit Aude Deltin, propriétaire du Domaine Malignay, dans la vallée du Rhône. Même retour de la part de Jérôme Schehr du Château La Coste en Provence. « Il y a une belle dynamique, les participants sont des personnes qualifiées qui savent ce qu’elles cherchent ». Pour Franck Oksen, qui fabrique un rhum épicé à la cannelle uniquement dédié au marché américain, ce salon est une aubaine. « Cela fait trois ans que je rêve de venir. J’ai eu de très beaux contacts ici, j’espère que tout cela va se concrétiser ».
Certains cherchent des importateurs et distributeurs pour pénétrer le marché américain, d’autres à élargir leur distribution géographique, dans un secteur en pleine reprise. « Le marché a été difficile pendant deux ans pour plusieurs raisons. D’une part, les sociétés françaises ne pouvaient pas venir aux États-Unis, les taxes imposées dans le cadre du conflit Airbus-Boeing ont renchéri le coût d’importation et enfin, la pandémie a fermé l’important circuit HRC (hôtellerie, restauration et catering) », explique Frédéric Rossi, Directeur général Amérique du Nord de Business France. Mais l’humeur est désormais à l’optimisme. « Depuis la levée des taxes, nos exportations ont été en forte croissance, nous avons déjà dépassé les volumes d’avant-crise ». Les volumes d’exportations de vins et spiritueux français ont ainsi grimpé de 14 % en 2021, et de 11 % en valeur, selon les données du Business France.
Surtout, signe de la maturation du marché, les consommateurs américains s’intéressent de plus en plus aux petites maisons et à des appellations moins connues que les mythiques Bordeaux et Côtes du Rhône. « Nous avons plus que doublé nos ventes en volume comme en valeur, même pendant la pandémie. Aujourd’hui, il est essentiel de venir aux États-Unis pour parler directement aux Américains », raconte Carl Edmund Sherman, représentant de Champagne Demière, domaine familial depuis trois générations. David Chardon, le directeur commercial du Domaine Gayda dans le Languedoc, note également cette ouverture : « Les États-Unis se sensibilisent de plus en plus aux vins de notre région et à la démarche bio, cela est très encourageant. »
Pour Business France aussi, les signaux sont au vert. « Nous notons plusieurs tendances du marché favorables : les circuits hôtellerie-restauration-catering d’un côté, qui sont en train de rouvrir avec le retour des touristes aux États-Unis. Et de l’autre, le marché va vers la premiumisation, une volonté de se faire plaisir qui profite à l’offre française des vins et spiritueux », explique Frédéric Rossi. Seule petite ombre au tableau : la taxe Trump a été suspendue en juin 2021 par un accord entre l’Union Européenne et les États-Unis mais seulement pour une durée de cinq ans. Le dossier n’est donc pas définitivement réglé.