Des murs fraîchement replâtrés, un escabeau, des fils électriques qui attendent d’être reliés au réseau: le deuxième étage des locaux de Parisoma, encore en pleine rénovation, accueillera en septembre la première promotion de The Refiners.
On y rencontre les trois co-fondateurs de ce nouvel accélérateur de San Francisco : Carlos Diaz, Pierre Gaubil, Géraldine Le Meur, serial-entrepreneurs français aux succès franco-américains, arrivés dans la Baie il y a respectivement 6, 15 et 10 ans.
La mission de The Refiners : aider les jeunes start-ups non-américaines de la tech qui veulent « naître globales » à pousser dans la Silicon Valley, avec un programme d’accompagnement de trois mois. Parce que « si tu fais de la moutarde, il faut que tu sois à Dijon », selon une métaphore chère à Carlos Diaz.
Les start-ups ont jusqu’à fin juillet pour postuler – entre 12 et 15 seront sélectionnées. Elles devront accepter de céder 3 à 7 % de leur capital à The Refiners, en échange de 50.000 dollars d’investissement – The Refiners s’est constitué un fonds de 6 millions de dollars, dont 40% proviennent de la BPI.
L’idée de cet accélérateur « est venue naturellement de mon parcours », explique Carlos Diaz, qui a d’abord été prof de lycée avant de lancer son agence digitale en France. « Ma deuxième boîte [blueKiwi] aurait dû être aux Etats-Unis, mais je m’en suis rendu compte trop tard. Ma troisième start-up, Kwarter, je l’ai donc créée directement ici. Mais je me suis pris le cultural gap en pleine figure », se souvient-il.
Carlos Diaz, qui est aussi connu comme figure de proue du mouvement des pigeons, veut maintenant aider les autres à éviter ces écueils. « Redonner à l’écosystème » et « faire profiter de notre expérience d’entrepreneurs », complètent Pierre Gaubil – qui joue avec Carlos Diaz dans le groupe The Frogs– et Géraldine Le Meur, qui le connaît depuis quinze ans.
La promesse centrale de The Refiners est donc d’aider les jeunes pousses à franchir le fossé culturel. Un fossé qui peut être sournois. « J’ai toujours travaillé à l’international : pour neuf pays différents, chez Asmodée, puis en ouvrant la filiale américaine de Cast », résume Pierre Gaubil, qui en est, avec The Refiners, à sa quatrième création d’entreprise. Cela ne l’a pas empêché de faire des faux-pas : « Pour Sensopia, qui marchait bien en France, je suis venu lever des fonds ici et mon pitch était vraiment à côté de la plaque. Je connaissais les Etats-Unis, mais visiblement, je ne m’étais pas réacclimaté ! » reconnaît-il.
« Ce gap culturel existe pour les start-ups qui viennent s’installer ici, mais aussi pour les Américains qui jugent les start-ups françaises et leurs fondateurs. Par exemple, le mot ‘polytechnique’ aux Etats-Unis est l’équivalent d’un IUT », note Carlos Diaz. « Là où nous sommes capables de voir le potentiel de tel ou tel candidat, les Américains pourraient bien passer à côté », complète Pierre Gaubil.
Au bout de trois mois, les start-ups, acclimatées aux codes de la Vallée, et au projet affiné grâce au réseau de 200 partenaires et personnalités de la tech, devront savoir pitcher. « La vraie bataille, ce n’est pas celle de la levée de fonds ou de la valorisation, avertit Géraldine Le Meur. Le but, c’est de créer une start-up qui va marcher parce qu’elle aura une réalité business, un produit, des clients, un marché. »
C’est ce retour aux fondamentaux qui intéresse cette entrepreneuse aguerrie, qui raconte avoir monté sa première entreprise (B2L, une agence web) avec les 8.000 euros donnés par sa grand-mère à son mariage. Deux entreprises plus tard, Géraldine Le Meur co-fondait la fameuse conférence LeWeb. « Pendant 10 ans, je rapprochais la Vallée et l’Europe via cette platforme pour aider les entrepreneurs. Mais j’avais une frustration, c’est que la rencontre en elle-même ne durait que trois jours par an. »
Les trois compagnons espèrent pouvoir accompagner à plus long terme les jeunes pousses qui passeront par The Refiners. En attendant, ils rencontrent chacun des postulants – 106 à ce jour.