À New York, l’huître est partout. On la célèbre dans des évènements comme l’Oyster Week, des festivals comme l’Oyster Festival, qui a fêté son 36ème anniversaire cette année sur Long Island, et tous les jours dans les nombreux happy hours qui ont lieu dans la ville. Certains se spécialisent et s’auto-proclament sommeliers de l’huître. D’autres, de plus en plus nombreux, s’initient et participent à des « Oyster class ».
« Les New-Yorkais aiment de plus en plus les huîtres. L’arrivée de nouvelles variétés et l’offre croissante d’huîtres reflètent à un vrai appétit », confie Julie Qiu, auteure du blog In a Half Shell et organisatrice d’évènements autour des huîtres.
Le bivalve fascine et se faufile dans des courants où on ne l’attend pas. Le coquillage a même conquis le monde de la mode, se retrouvant sur les imprimés de la Fashion Week ou suspendu à des boucles d’oreilles de créateurs. On ne cesse d’ailleurs de vanter les bienfaits du coquillage : bon pour la peau, bon pour le corps, bon pour la planète…
Aux États Unis, les initiatives écologiques autour de l’huitre se multiplient, à l’instar du projet de recyclage initié par Billion Oyster Project visant à filtrer eaux de la Baie de New York. Leur mission: d’ici 2035, implanter un milliard d’huîtres. À Annapolis (Maryland), l’association Oyster Recovery suit le même chemin.
Au XIXème siècle, les huîtres se vendaient comme les hot dogs aujourd’hui : à tous les coins de rue, pour presque rien, et à toute heure de la journée ou de la nuit. « Avant le XXème siècle, quand on pensait à New York, on pensait aux huîtres », écrit Mark Kurlansky, l’auteur de The Big Oyster (2006).
L’huître a nourri la cité pendant plus de deux siècles. Au début du XVIIe siècle, dans les eaux de New York, aux côtés des dauphins et des hippocampes, cohabitait la moitié de la population mondiale d’huîtres. New York était, comme on l’appelait, la capitale internationale de l’huître.
À l’époque, l’huître n’était pas seulement servi crue et vivante dans sa coquille. Au menu des restaurants comme le mythique Delmonico’s, on trouvait des tourtes aux huîtres, des ragoûts d’huîtres, des volailles farcies aux huîtres et des sauces à l’huître pour accompagner les viandes ou les poissons. Abondantes dans le port de New York, les huîtres ont même servi à paver les routes de Manhattan et à construire certains monuments comme la célèbre Trinity Church.
La sur-exploitation, l’industrialisation et l’absence de recyclage des coquilles ont contribué à la mort de l’industrie ostréicole de la ville. En 1927, le dernier des parcs à huîtres a été fermé. Mais depuis quelques années, les projets environnementaux comme Billion Oyster Project, lancé en 2014, ont contribué à redorer son image. « Les New-Yorkais mangent beaucoup plus d’huîtres aujourd’hui. Avant, il y avait le souvenir de la baie polluée. Les consommateurs avaient peur, ce n’était plus en vogue », confie Ryan Te, manager d’un célèbre bar à huîtres de Brooklyn.
« Les Américains mangent deux fois plus d’huîtres qu’il y a 10 ou 20 ans. Avant, ils avaient peur du cru, notamment du poisson. Et puis la mode des sushis est arrivée, et maintenant les huîtres sont sur le devant de la scène », précise le chef François Payard, directeur culinaire d’Estuary, un restaurant de fruits de mer à Brooklyn.
Si la consommation a augmenté ces dernières années, les modes de consommation eux aussi ont évolué. « Les consommateurs sont moins regardants sur les prix et plus préoccupés par le type d’huître qu’ils vont manger: East Coast ou West Coast, à quelle saison, comment et où les huîtres sont cultivées », confie Ryan Te. En témoigne, la popularité des huîtres japonaises kumamotos, vendues à 4 dollars pièce. Ces petites huîtres à la coquille profonde sont aux Etats-Unis ce que la Gillardeau est en France : la Rolls-Royce de l’huître. Le fruit de mer est désormais un plaisir qui se savoure et se paie.