Une école d’art gratuite en France, c’est rare. Qu’un tel établissement ouvre ses portes aux Etats-Unis relève du miracle. Et pourtant, l’Emile Cohl Art Academy (ECAA) va accueillir ses premiers élèves en septembre 2020 à Los Angeles. Les inscriptions sont ouvertes.
Derrière ce projet, on retrouve Guillaume Champavere, l’ancien responsable local du réseau d’entrepreneurs FrenchFounders, débauché par l’école lyonnaise de graphisme et de dessin pour l’internationaliser. Après plusieurs mois de recherches, les retours ne sont pas bons : “un ami m’a dit que, compte tenu de la concurrence locale, mon école n’allait pas se distinguer et qu’elle souffrirait de sa jeunesse sur le territoire américain “, se remémore le Franco-américain de 36 ans, qui a étudié le marché pendant plus de deux ans.
Pour lui, la solution réside alors dans la gratuité de l’établissement. “De mon point de vue français, l’éducation, la justice et la santé devraient être gratuites”, argue-t-il. Un modèle “à contre-courant” qui séduit Philippe Rivière, le fondateur de l’école lyonnaise. La direction de cette dernière investit alors 500.000 dollars pour financer le lancement du projet.
Mais comment survivre dans un pays où une école d’art coûte entre 40.000 et 50.000 dollars l’année ? Deux sources de revenus ont alors été trouvées par Guillaume Champavere : les dons (qui couvriront 50% des besoins) et les frais d’inscription au concours des étudiants (199 dollars par étudiant, offerts pour la première année). Chaque année, quarante élèves seront admis sur les 4.000 candidats (estimés), soit 0,8%. Ils seront alors sélectionnés sur leur motivation et leur talent, au travers de plusieurs étapes : la présentation d’un portfolio anonyme de 15 dessins afin d’évaluer le talent et la créativité ; puis les 500 personnes retenues devront répondre à 2 heures de tests de logique et de personnalité, ainsi que des heures de test de dessin ; enfin, les cent derniers retenus devront envoyer une vidéo de motivation
Côté cursus, l’école dispose d’un programme testé depuis sa création, il y a 35 ans. “Nous n’arrivons pas avec notre arrogance française. Avec FrenchFounders, j’ai vu que beaucoup de Français ne tiennent que deux ans”, prévient tout de même Guillaume Champavere, qui a adapté une partie du cursus aux Etats-Unis. Les élèves suivront trois années de cours en anglais, dispensés par des graphistes primés et des anciens élèves de l’école. “On revient aux fondamentaux, les bases du dessinateur classique (avec la sculpture et la peinture) la première année pour, ensuite, passer sur l’ordinateur pour découvrir Photoshop”, détaille le Franco-américain qui veut allier la grande spécialisation des Américains à la formation généraliste à la française. A la fin de la troisième année, les élèves seront capables de créer un film d’animation de A à Z. “Cela répond aux besoins de recruteurs rencontrés, qui font part d’un défaut de qualité et de diversité. Ici, c’est très standardisé Disney, l’ECAA apporte autre chose.”
Avant d’en devenir le co-fondateur et président, Guillaume Champavere avoue qu’il ne connaissait rien à l’immobilier, l’éducation ou au secteur de l’animation. Titulaire d’un Master en Art, le trentenaire a “bourlingué”, créant et vendant sa société de vente d’objets d’art en France, avant de gérer Docantic (un service de documentation et d’identification de designers), et de devenir responsable de FrenchFounders à Los Angeles. Intéressé par ce nouveau défi, il a quitté son poste pour lancer l’école Cohl. “Quand mes enfants me demanderont ce que j’ai fait à mon niveau pour changer le monde, je pourrais leur parler de cet établissement gratuit”, se réjouit-il. Et si le concept séduit dans la cité des anges, il aspire à développer des filiales dans d’autres pays.