« Fat Bastard », « Arrogant frog », « Wild pig », des insultes donnés aux Français aux Etats-Unis ? Non mais plutôt des succès commerciaux d’exportateurs de vin français qui ont compris que jouer la carte de l’autodérision pouvait séduire. Et aujourd’hui, aux Etats-Unis, les vins français ont repris des couleurs. Première destination des exportations de vins et spiritueux français (environ 23% de nos exportations), les Etats-Unis ont essentiellement contribué à la reprise de la croissance avec une progression de 22% des ventes en 2006.
Ces dernières années, les exportations de vins français avaient souffert, non pas seulement à cause de la désaffection des Américains pour les produits français (en raison de la guerre en Irak), mais surtout par l’image qu’ils véhiculaient. L’agence américaine Delaitte & Cie/ Deussen rapporte qu’à l’étranger les étiquettes des vins français étaient considérées comme «incroyablement compliquées» et surtout «avec des noms impossibles à prononcer». Trop élitistes et trop complexes, les vins français ne parvenaient pas à se défaire de cette image de quelque chose de vieillot, de dépassé.
De plus, lorsque les Français se sont lancés à la conquête des Etats Unis, ils se sont peu préoccupés de leurs concurrents et la phase d’observation du client aurait été bâclée. Persuadés que le vin faisait partie de la chasse gardée française, «ils ont eu tendance à négliger les vins italiens, australiens et surtout les vins du nouveau monde», explique Olivier Moreau, président de Sopexa North Américain. Mais les exportations françaises sont reparties à la hausse grâce à de nombreux efforts en terme de communication et de marketing. Les vins exportés vers les Etats-Unis ont augmenté en volume de 2,8% durant le premier semestre de 2007 par rapport à la même période en 2006, ce qui confirme le regain d’intérêt pour les vins français.
Des vins dépoussiérés
Le secret de cette nouvelle réussite outre-Atlantique : les fun wines. Les vins français se sont offerts une nouvelle jeunesse afin de casser les codes austères du vin et s’adresser à de jeunes consommateurs n’ayant pas la culture du vin. De l’étiquette au contenant, le vin est revu dans les moindres détails pour le rendre plus sexy et attirer en particulier la millenium génération, c’est-à-dire les 21-29 ans.
Le vin French rabbit a par exemple misé sur un emballage écologique ainsi que sur des petits formats (250 mL). Un packaging attractif comme des capsules à vis ou des contenants originaux a de quoi faire s’étrangler les puristes mais séduit plus facilement les consommateurs occasionnels.
D’autres ont fait le choix de séduire par l’image que renvoie la marque. Ainsi, profitant de le réputation d’excellence française, certains vins n’ont pas hésité à mettre en avant le côté bien français, comme par exemple « Red Bicyclette » ou le chardonnay « Lulu B » dont les étiquettes reflètent le stéréotype du français (se). Certains ont tablé sur un nom tape à l’œil, du message convivial, comme le pinot noir « Be Friend » au plus humoristique tel que « Fat Bastard », « Arrogant Frog » ou « Wild pig ».
Les étiquettes se customisent jusqu’à devenir de véritables œuvres d’art. Robert Chaigne, viticulteur français, avoue avoir fait appel à un graphiste renommé pour l’étiquette de son vin destiné à l’exportation.
Désormais, les étiquettes se réduisent au millésime et au cépage pour une plus grande lisibilité. Néanmoins il convient de faire attention à cette décomplexification de l’offre de vins français. D’après Olivier Moreaux, «démystifier les vins français ne signifie pas les simplifier». D’après lui, il semble important de compter sur une image plus contemporaine, tout en assurant le côté «excellence française», c’est-à-dire en ne lésinant ni sur la qualité ni sur la diversité de l’offre.
« Les héros inconnus »
Les professionnels du vin français se sont aussi engagés sur une autre voie, celle de “l’éducation du consommateur”. Il s’agit de lui montrer qu’il existe de très bons vins français à un prix très abordable. C’est le cas par exemple de la sélection de Sheri Sauter Morano, développée par Sopexa. « Sheri’s Top 40 French wine picks » est une liste de 40 vins français sélectionnés par une experte américaine pour leur très bon rapport qualité-prix. Sheri Lehman, un caviste de New York, a aussi mis en avant des « héros non célébrés de Bordeaux », afin de promouvoir des Bordeaux abordables.
Ce regain d’énergie des vins français ne pouvait pas mieux tomber: le marché américain se confirme comme le premier du monde. Jusqu’à détrôner les Français et devenir probablement avant 2010 le premier pays consommateur de vin dans le monde.
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Un bel article de daron bien utile pour un étudiant en école de commerce comme moi.
Je pense que l’auteur de cet article mérite une belle promotion!