“Il n’y a pas de pression, c’est un honneur de voter en premier”. Linda Sabic fait partie des Franco-américains qui participeront, lundi 3 février, aux caucus démocrates de l’Iowa, première étape dans la désignation de l’adversaire de Donald Trump à la présidentielle de 2020. Agent immobilier installé depuis 2001 à Des Moines, la capitale de cet Etat rural de 3 millions d’habitants au coeur des Etats-Unis, la Française avoue ne pas savoir pour qui elle votera. Mais elle est sûre d’une chose: elle ne prendra pas sa décision à la légère. Après tout, le reste du pays la regarde. “Il y a un sens de responsabilité. Je le prends très au sérieux“.
Même si l’Iowa envoie peu de délégués (49) à la convention de juillet où le candidat du parti démocrate sera officiellement intronisé, l’Etat joue un rôle important dans le processus d’investiture. Une victoire dans l’Iowa, même relative, permet d’engranger un surplus de donations et de crédibilité avant le reste des primaires et des caucus dans les autres Etats américains, à commencer par le New Hampshire dès le 11 février. À noter que les républicains de l’Iowa tiendront leur caucus le même jour, mais leur issue de ne fait guère de doute.
“Saturation”
Depuis des mois, les habitants de Des Moines et des autres villes de l’Etat sont bombardés de SMS, d’appels, de spots publicitaires, de lettres envoyées par les différentes campagnes. Sans compter les visites de volontaires faisant du porte-à-porte. Pour les quatre Français de la ville réunis pour parler des caucus dans les locaux de l’UFE Iowa (Union des Français de l’étranger) à Des Moines, vendredi, par le président de l’association Bruno Eliazord, c’est trop. “C’est comme un disque rayé. On commence à en avoir marre“, lance Corinne Zaragoza, une ancienne chercheuse médicale qui vient de publier des livres de littérature fantastique.
“C’est la saturation, ajoute Nicolas Percheron, un Franco-américain qui vit à Des Moines depuis 19 ans. Ça commence à devenir long. Avec l’argent qui va dans les publicités à la télé ou la radio, on en prend une couche. En plus, ce sont des pubs négatives. Les candidats se critiquent les uns et les autres et ne parlent pas de ce qu’ils voudraient faire pour améliorer l’Etat ou le pays“. Ce papa de deux enfants comprend les critiques qui sont faites aux caucus, notamment le caractère public du scrutin. Dans les caucus, les électeurs se répartissent physiquement dans le lieu du vote (un gymnase, une cafet’ ou même dans une maison) en fonction de leurs candidats, sous le regard des autres électeurs. Malgré tout, cet ancien de la restauration reconverti dans l’assurance fera le déplacement. “Pour moi, c’est un droit et un devoir civique. Ceux qui peuvent aller voter doivent y aller. L’Iowa donne une bonne idée de ce qui peut advenir dans quelques mois lors de l’élection générale. Ça donne le ton“.
Nathalie Girod, qui appartient au groupe d’électeurs le plus important de l’Iowa, à savoir les indépendants, n’ira pas aux caucus le 3 février car elle n’arrive pas à faire le tri parmi les candidats qui se présentent. “Tout ce que je sais, c’est que je ne veux plus de Trump. J’irai voter en novembre, pour l’élection présidentielle“, précise cette créatrice française avec trois ans de Des Moines au compteur.
En tout cas, nos Français sont heureux de voir leur ville d’adoption sous le feu des projecteurs, même si cela ne va pas durer. Des Moines, comme ailleurs dans “flyover country” (surnom donné à la zone centrale du pays que les habitants aisés des grandes villes du littoral survolent sans s’y arrêter) connait un boom démographique à la faveur de prix de l’immobilier bas, en particulier ses quartiers ouest (Urbandale, Waukee, West Des Moines…). “Ce n’est plus la ville d’il y a vingt ans. Il y a beaucoup de communautés hispaniques, africaines et européennes maintenant“, estime Linda Sabic. “Il y a beaucoup d’opportunités ici et une bonne qualité de vie. Les habitants de l’Iowa sont gentils, honnêtes. “Iowa Nice” n’est pas une légende“, renchérit Nicolas Percheron.
Même si l’UFE, avec ses images de Paris au mur, sa télé branchée sur France 24 (et ses bouteilles de vin au frais) est l’un des seuls ponts qui leur reste avec la France, nos Français de Des Moines peuvent compter sur les autres habitants de la ville pour leur rappeler d’où ils viennent. Le nom “Des Moines” est le fruit de la rencontre entre des explorateurs français Jacques Marquette et Louis Joliet ayant parcouru la vallée du Mississippi et la tribu locale des Moingona au XVIIe siècle. “On nous demande souvent comment on prononce Des Moines, s’amuse Corinne Zaragoza. Et quand on regarde le drapeau de l’Iowa (un bannière tricolore similaire à la française avec un aigle au milieu, ndr), on a l’impression de voir celui de la France !“.