L’appartement de Renée Roth-Hano, dans l’Upper East Side de Manhattan, est plein de fragments de son identité. Des livres sur l’Holocauste sont posés sur les étagères. Une collection d’églises miniatures et d’anges a grandi au fil des années sous la fenêtre de son salon. Et une poupée de “L’Alsacienne” en costume régional traditionnel, avec sa coiffe noire en forme de nœud, est assise confortablement sur le sofa.
New York révèle quelque chose en chacun de nous. Pour cette assistante sociale, sa venue à bord du paquebot Liberty en 1951 comme jeune fille au pair fut l’occasion de mettre des mots sur un passé traumatisant, celui d’une juive alsacienne, baptisée et cachée pendant deux ans dans un couvent en Normandie pour échapper à la folie antisémite de la Deuxième guerre mondiale.
Aujourd’hui, la « jeune femme de 79 ans », auteure de plusieurs livres dont « D’un monde à l’autre » (Ed. La Nuée bleue) qui retrace ses premières années à New York, raconte comment la ville l’a aidée à panser ses blessures:
Ecouter Renée Roth
L’histoire de Renée Roth-Hano fait partie de la grande mosaïque des trajectoires personnelles qui font la diversité de la communauté alsacienne actuelle. Hier, ils partaient à la conquête des terres fertiles du Nouveau monde et fuyaient l’atrocité des guerres, le ballottement incessant entre la France et l’Allemagne. Aujourd’hui, les Alsaciens d’Amérique dirigent des restaurants réputés, investissent les hautes sphères de la diplomatie mondiale, des finances et de l’art.
Originaire d’Obersaasheim dans le Haut-Rhin, Thierry Kranzer fait partie des douze alsaciens qui travaillent à l’ONU:
Ecouter Thierry Kranzer
L’émigration alsacienne vers les Etats-Unis remonte à la fin du 17ème siècle. La politique pro-catholique du royaume français ainsi que les mauvaises récoltes consécutives à l’hiver rigoureux de 1710 poussent de nombreux Alsaciens, protestants, au départ. Aux côtés d’autres « persécutés d’Europe », ils goûtent à la liberté religieuse et aux succès économiques que leur offre l’Amérique, posant les bases d’une migration qui perdurera tout au long du siècle.
Jusqu’à la fin du 19ème, l’émigration alsacienne, plutôt agricole, s’installe dans les grandes étendues rurales du Mid- west. Une colonie alsacienne, Castroville, voit notamment le jour au Texas en 1844 grâce aux efforts d’Henri Castro. L’ancien garde impérial et consul général de France au Texas était parvenu à convaincre plusieurs douzaines de colons, essentiellement de Mulhouse, de venir peupler les terres vides à l’extérieur de San Antonio. Castroville existe toujours et les signes de son héritage alsacien – son église Saint Louis, ses maisons aux toits à pentes inégales, sa rue de Paris et son ancien moulin transformé en auberge – sont encore bien visibles au détour des rues.
Les Alsaciens ne gagnent les grandes villes américaines qu’en 1870, sur fond de guerre franco-prussienne en Europe et d’industrialisation de l’Amérique. Chicago et New York sont les grands foyers d’accueil des nouveaux arrivants : En 1871, la Grosse Pomme compte huit sociétés alsaciennes (sur un total de 38 au niveau national). L’Union alsacienne de New York voit le jour cette année-là. Sa présidente actuelle Catherine Zwingelstein, parle du rôle de l’UA:
Ecouter Catherine Zwingelstein
Cent quarante ans plus tard, l’Union Alsacienne compte quelque deux cent membres. C’est sans doute moins qu’au début du siècle, observe Catherine Zwingelstein en se basant sur les photos des grands bals organisés par l’association à l’époque. La baisse pose la question des statuts de l’association (seuls les Alsaciens, leurs conjoints et leur descendance peuvent devenir membres) et la difficulté de capter une émigration devenue volatile avec l’accroissement des visas temporaires.
Pourtant, les nombreuses associations d’amitié américano-alsacienne, les accords bilatéraux et surtout les dix “Strasbourg” à travers les Etats-Unis rappellent que les liens entre l’Aigle et la Cygogne demeurent forts.
Emmanuel Jaegle est le co-fondateur alsacien du cabinet d’experts-comptables franco-américains Jade Associates:
Ecouter Emmanuel Jaegle
Julien Villa, photographe strasbourgeois, est arrivé en 2009:
Ecouter Julien Villa
Patricia Catenne, d’Obernai, a fondé le traiteur Quintessencia à New York et assure que les New Yorkais connaissent sa terre natale:
Ecouter Patricia Catenne
Le nombre exact d’Alsaciens et de descendants d’Alsaciens aux Etats-Unis est difficile a déterminer. Mais leur influence est grande. Outre une riche tradition culinaire, la Statue de la Liberté, le Grand Concourse du Bronx, l’Alsace peut se targuer d’avoir apporté aux Américains… un Président : Barack Obama serait à 4,6865% Alsacien par un ancêtre né dans la petite commune de Bischwiller (Bas-Rhin). Certains rêvent déjà du jour où il déclarera devant Strasbourg en liesse: « Ich bin a Elsasser».
Vendredi 18 février: les membres de l’UA sont invités à un cocktail pour fêter les 140 ans de l’association. Au menu: Hors d’oeuvres par Quintessencia, le Kouglof de Marjolaine Bakery. La flammenküche est fournie par White Toque et des vins Hugel seront servis. The Attic Studio, 11‐05 44th Road (44th road @11th street) à Long Island City.
Pour les autres festivités des 140 ans de l’Union alsacienne, lire ici
Pour plus d’informations, voir le site de l’Union Alsacienne ici
0 Responses
Fiere de savoir que notre Alsace est si bien représentée a Ny !!! Nous sommes alsaciens (Strasbourg) et cela fait 1 an que nous sommes dans le NJ et pourquoi pas devenir Membre de l’Union Alsacienne !!!!
Valerie
cc
Uff, those people who bravely escaped war and bravely came back after…and want to give lessons about roots etc…how ironical is that…