Yann de Rochefort est certainement le plus espagnol des Français de New York. Le Parisien est le patron de la chaine de restaurants-bars à tapas Boqueria, présente à New York et Washington DC. Un cinquième établissement new-yorkais a ouvert ses portes fin avril près de Times Square et un deuxième doit voir le jour “d’ici la fin de l’année” dans la capitale fédérale américaine, précise le Français.
L’histoire de Boqueria, c’est avant tout celle d’une reconversion. Arrivé aux Etats-Unis à l’âge de 12 ans avec ses parents qui voulaient développer l’agence de publicité familiale à Miami, Yann de Rochefort a commencé sa carrière dans le marketing, travaillant pour de grandes boîtes comme l’Oréal, Perrier et une marque de vins et spiritueux.
“La restauration est arrivée par hasard. Avec une bande d’amis, on parlait d’ouvrir un bar de musique latine car on trouvait qu’il n’y avait pas grand chose à New York. Puis, les autres ont laissé tomber. J’ai pris le relais“, précise celui qui habite dans la grosse pomme depuis 22 ans.
Son premier bébé s’appelle Suba, un restaurant espagnol qu’il ouvre en 2002 dans un Lower East Side en pleine transformation. Il démissionne de son travail “corporate” un mois plus tard. “Je suis parti avec une petite mission et je me suis laissé emballer. Quelque chose qui devait être marginal est devenu un travail à plein temps, se souvient-il. C’était une décision risquée, mais j’étais plus passionné par l’idée d’avoir une boîte. J’étais destiné à être entrepreneur“.
Quatre ans – et un autre restaurant – plus tard, il lance Boqueria sur la 19ème rue (quartier de Flatiron) de Manhattan. Son ambition: importer le concept du tapas à New York, découvert et expérimenté lors des vacances qu’il passait avec sa famille dans les Baléares et lors de ses études à Madrid. “À l’époque, il n’y avait pas grand chose sur ce créneau. Personne ne l’avait fait de manière haut-de-gamme, glisse-t-il. Plus que le concept, c’est le côté social du tapas que je trouvais attirant“.
Il n’y a pas que le menu de tapas et de plats ibériques sophistiqués qui fait mouche. Avec sa décoration chaleureuse, constituée de matériaux traditionnels comme le métal, le bois, le carrelage et le marbre, le restaurant plonge les clients dans l’ambiance des bars à tapas de Barcelone. Yann de Rochefort recrute en 2010 un chef barcelonais, Marc Vidal, passé par elBulli, L’Arpège, Maison de la Catalogne à Paris et les cuisines d’Alain Ducasse. Il supervise le lancement du troisième Boqueria en 2012, dans le quartier de Dupont Circle à Washington DC (après les restaurants new-yorkais à Flatiron et SoHo). “J’ai étudié à Georgetown. J’aime bien cette ville. Il y avait assez de restaurants à tapas pour créer une familiarité avec le concept, mais on était loin du niveau de saturation“, explique l’entrepreneur quand on lui demande pourquoi Washington. Deux autres, dans l’Upper East Side et à Fort Greene à New York, suivront à New York.
Le nouveau restaurant new-yorkais, situé sur la West 40th Street, a gardé la décoration chaleureuse qui a fait la réussite des autres, ainsi que le menu. La différence: le petit-nouveau est équipé d’une rôtissoire et sert le petit-déjeuner. L’espace est beaucoup plus grand: il compte une centaine de places réparties entre le grand bar marbré dans l’entrée, le comptoir qui borde la cuisine ouverte dans le fond et les nombreuses tables entre les deux. Le tout est disposé en partie sous un impressionnant plafond incliné. Il dispose aussi d’une terrasse de 20 places. “Le défi, dit le restaurateur, était de créer un restaurant ayant la même chaleur que celui de Flatiron, qui est beaucoup plus petit, dans un espace avec un volume naturel très grand“.
Loin de vouloir digérer cette nouvelle pièce à son royaume, Yann de Rochefort ne compte pas ralentir la cadence. Outre son futur restaurant à Washington, il envisage de se lancer à Boston et Chicago. Pense-t-il de temps en temps à sa vie d’avant la restauration ? “Non, j’aurais beaucoup de mal de revenir à ce genre de vie“.