Un sweat-shirt noir, avec écrit en lettres vertes « Walk your shame out ». Adeline Townsley l’arbore fièrement, prête à répondre aux questions que cet appel à l’action peut susciter. Il y a deux ans, cette Française, installée à San Francisco depuis 2018, a décidé de lever le tabou sur l’agression sexuelle dont elle a été la victime lorsqu’elle était enfant, en lançant ce projet.
« Cette agression s’est passée quand j’avais sept ans, raconte-t-elle. J’ai été prise en charge, mais il n’y a pas eu de plainte déposée. Le silence s’est alors imposé, jusqu’à ce que j’arrive à un point où il fallait que ça sorte… » Adeline Townsley décide alors de faire fabriquer un sweat-shirt sur lequel on peut lire « Childhood sexual abuse survivor » (NDLR – « Survivante d’agression sexuelle subie pendant l’enfance »). « Je voyais bien les regards gênés quand je le portais dans la rue, et le silence qui continuait à s’imposer. J’ai alors fait faire un autre sweat-shirt, avec un message plus en douceur, qui serait mieux accepté par la société. Je le porte souvent, je vois les regards, et j’espère que les gens sont curieux et vont sur le site pour en savoir plus. »
Première démarche de Walk your shame out, offrir un sweat-shirt aux victimes d’abus sexuels. « L’idée m’est venue quand j’ai fait faire les premiers exemplaires, car il fallait en commander au moins six. Ce premier geste peut aider à sortir de son inconfort et de son silence, dont profitent les agresseurs quand on ne les brise pas. » La jeune femme encourage les victimes à porter leur sweat-shirt en public, et de se joindre à elle à San Francisco pour une promenade qui permet d’évacuer la honte que beaucoup ressentent et créer ainsi des liens. « Grâce aux dons que mon association a déjà récoltés, j’ai pu commander une trentaine de sweat-shirts, et rencontrer d’autres victimes. Quand elles acceptent de se livrer, on retrouve beaucoup de similitudes entre les histoires. »
Au delà du message imprimé sur le sweat-shirt et de la main tendue que représente le fait de l’offrir, Walk your shame out est à présent une organisation à but non lucratif qui endosse également un rôle de conseil « afin de venir en aide aux autres ». Adeline Townsley espère que ces témoignages et ces conseils pourront autant prévenir que guérir. Sur le site de l’organisation, les victimes d’abus sexuels peuvent laisser leurs témoignages, partager des recommandations et des références de lecture ou de sites à consulter. À terme, Walk your shame out pourrait devenir une référence pour éviter la perpétration d’abus sexuels.
Par ailleurs, en tant que maman de deux enfants, Adeline Townsley souligne que les parents ont un énorme rôle à jouer : « C’est important d’établir des règles sur l’intimité et la nudité ave son partenaire, ses enfants et les personnes en contact avec les enfants, y compris les grands-parents. On montre ainsi à l’enfant qu’il est protégé. On peut aussi avoir des discussions autour de la notion de secret : un adulte ne devrait jamais demander à un enfant de cacher quelque chose à ses parents. »
Malgré une libération de la parole et une meilleur système de soutien aux enfants victimes d’abus sexuels, Adeline Townsley reconnaît toujours ressentir une énorme gêne quand elle aborde le sujet. « On veut être écouter et, pourtant, les personnes à qui l’on parle essaient de changer de sujet car elles sont elles-mêmes gênées. Une oreille attentive, un hug, ou simplement dire merci d’avoir partagé cela avec moi, ou me demander comment ça va, cela permet aux victimes de passer outre la honte qu’elles ressentent, et de briser ce silence. C’est une étape très importante, qui permet de regagner notre fierté. »