Premier État à légaliser l’usage thérapeutique du cannabis en 1996, la Californie répliquait 20 ans plus tard en légalisant, cette-fois, son usage récréatif. Un marché lucratif, estimé à environ 7 milliards de dollars (pour le seul État de Californie), qui permet aujourd’hui aux habitants comme aux touristes d’acheter librement leur weed (sur présentation d’une pièce d’identité), et même de se faire livrer à domicile.
Devant l’engouement suscité par la libéralisation du marché, Sophie Cilpa, avocate internationale, spécialiste des questions juridiques franco-américaines, et Pierre Hourcade, avocat aux barreaux de Paris, New-York et Californie, tous deux associés au sein du cabinet Action Avocat, font le point sur les risques encourus par les Français qui souhaiteraient faire voyager joints, graines ou bonbons infusés au cannabis.
Le message est clair. « Voyager des États-Unis, et notamment de la Californie, vers la France avec du cannabis, quelle que soit sa forme – joint, bonbon, huile – signifie, plus ou moins, exporter des produits stupéfiants, expliquent les avocats, dans la mesure où le produit transporté est constitué effectivement en une forme ou une composition interdite par la législation en vigueur en France. Dans cette hypothèse, la personne détentrice desdits produits tomberait sous le coup des dispositions des articles 222-34 et suivants du code pénal. »
Une interdiction qu’il faut néanmoins nuancer, au regard de la composition du produit transporté. En effet, le cannabis contient plusieurs substances chimiques, les cannabinoïdes, dont le THC (tétrahydrocannabinol), une molécule réputée pour ses effets psychotropes considérée aujourd’hui comme une drogue interdite à la vente, et le CBD (cannabidiol) qui ne possède aucun effet négatif sur la santé, et donc autorisé à la consommation et au transport dès lors qu’il ne dépasse pas une certaine concentration en THC.
« Contrairement à une idée répandue », ajoutent les avocats, les autorités publiques en France et en Europe n’ont pas fixé le pourcentage de CBD autorisé dans les fleurs, huiles, liquides et autres produits conçus à partir de plants de cannabis, ce qui rend sa consommation et son transport légal. Seul le taux de THC fait l’objet d’une règlementation très stricte, et seules les variétés de chanvre industriel qui doivent avoir une teneur en THC inférieure à 0,2% peuvent être autorisées. »
Le 25 octobre 2019, l’Assemblée nationale a donné son feu vert à une expérimentation de l’usage du cannabis médical dans le cadre de l’examen du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2020. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, promulguée le 24 décembre 2019, prévoyait ainsi une expérimentation de l’utilisation du cannabis thérapeutique pendant une durée de deux ans, laquelle est mise en œuvre par l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé).
« De ce qui précède, on doit comprendre que seuls les voyageurs munis d’une prescription médicale seront autorisés à transporter des produits contenant du cannabis, délivrés en pharmacie, dans une forme et une quantité conformes à leur prescription », poursuivent les avocats.
Si les sanctions peuvent varier en fonction des cas, la législation française précise que le simple consommateur peut être assimilé à un trafiquant, et donc se retrouver passible d’une peine allant jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 750 000 € d’amende. En effet, précisent les avocats, « consommer du cannabis impliquerait d’en détenir, et donc d’en acheter ou bien d’en produire, ce qui laisse toute liberté au juge d’incriminer le disant usager sur le fondement du Code de la santé publique (usage) ou du Code pénal (détention, trafic, production) ». Dans la pratique, la décision du juge dépend des quantités saisies, des antécédents de l’accusé et des a priori du juge. Ainsi, les simples consommateurs sont très rarement sanctionnés par de lourdes peines, sauf s’ils sont trouvés en possession d’une quantité de cannabis dépassant de loin une consommation quotidienne « moyenne ».
Le 8 novembre 2016, l’État de Californie, par référendum accepté à 56%, approuvait la légalisation du cannabis à usage récréatif (le cannabis médicinal y étant légalisé depuis 1996). À la suite de ce référendum, une loi a autorisé en 2018, la production, la consommation et la commercialisation du cannabis. « Des actes qui permettent donc aujourd’hui de voyager avec du cannabis, CBD ou THC, tout à fait légalement en Californie, les quantités étant limitée à 28,5 grammes par personne en cas de transport de fleurs. »
« Si la culture, l’utilisation et la commercialisation du cannabis sont interdites par la loi fédérale américaine (ndlr, les sanctions pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison et 240.000 euros d’amende ), 31 États sur 50 ont légalisé au moins une forme de cannabis (médicinal ou récréatif) et 19 Etats autorisent aujourd’hui l’usage récréatif, et donc la consommation de cannabis, sous toutes ses formes. » Parmi eux, les États d’Alaska, Arizona, la Californie, le Colorado, le Connecticut, le District of Columbia, l’Illinois, le Maine, le Massachusetts, le Michigan, le Montana, le New Jersey, le Nouveau-Mexique, l’Etat de New-York, le Nevada, l’Oregon, le Vermont, la Virginie et l’État de Washington. La législation sur le cannabis pouvant varier d’un État à l’autre, les voyageurs seront donc avisés à bien vérifier la réglementation en la matière dans l’État d’accueil, avant le transport de toute substance contenant du cannabis. Il est ainsi possible de voyager avec une quantité limitée à 28,5 grammes par personne dans l’État de Californie, contre 56,6 grammes dans l’État du Nouveau-Mexique.