« Je ne nie pas les problèmes, mais ils sont contrebalancés par la possibilité de voter de n’importe où à n’importe quelle heure ».
Jean Souto est un grand défenseur du vote par Internet. Et pour cause, il est directeur des ventes monde chez Scytl, la société espagnole chargée de fournir le logiciel de vote pour l’élection législative partielle en Amérique du Nord. Une mission « relativement standard » pour cette entreprise, leader mondial dans les solutions d’e-voting, mais qui a viré comme l’an dernier au casse-tête pour de nombreux électeurs. Problèmes de configuration et de serveur, désinstallation-réinstallation de Java, nécessité de changer d’ordinateur : si certains ont pu voter sans problème, d’autres ont étalé leur frustration sur les forums et les réseaux sociaux. Et certains candidats ont appelé les électeurs à privilégier le vote à l’urne quand cela était possible.
Cela fait depuis 2009 (et l’élection à l’Assemblée des Français de l’étranger) que Scytl travaille avec le ministère des Affaires étrangères français. La société compte des clients aussi divers que le Ministère de l’éducation nationale, le Département de la Défense américain, l’Etat indien du Gujarat, les villes de Madrid et Washington DC.
Pour les législatives de 2012 dans les onze circonscriptions des Français établis hors de France, le Quai d’Orsay a travaillé avec le groupement Scytl et Atos – cette dernière était chargée de fournir les plateformes d’hébergement du vote. L’an dernier déjà, plusieurs électeurs avaient rencontré des difficultés. Le Quai d’Orsay a estimé à 2%-4% la part des Français de l’étranger n’ayant pas pu voter en raison de problèmes techniques. Raison principale – pour 80% des cas traités : Java. Ce language de programmation permet de sécuriser le « chiffrement » du bulletin de vote (mécanisme permettant de masquer le bulletin virtuel pour le rendre secret) via des programmes “applets” ou inspirés du langage Java (comme “Javascript”). Or, des failles de sécurité ont été constatées à plusieurs reprises dans ces programmes, malgré les nombreuses mises à jour développées par Oracle, le propriétaire de Java. « On peut garantir le vote depuis 80% des ordinateurs, souligne M. Souto. En cas de configurations exotiques et si toutes les composantes de sécurité ne sont pas réunies, on préfère bloquer”.
“Il faut faire un système universel car on ne sait pas quels ordinateurs les votants vont avoir, quel sera le débit de connexion, poursuit-il. Le minimum, c’est de garantir le maximum pour l’intégrité et la sécurité du vote.”
Si des améliorations ont été apportées à la solution de vote depuis l’an dernier (notamment la reconnaissance de Java 1.7, une version de Java qui n’avait pu être testée en 2012 car elle était entrée en application juste avant le vote), le fournisseur fait remarquer que la répétition des problèmes n’est pas surprenante. « La loi électorale nous oblige à utiliser le même système que l’an dernier. On a fait des upgrades, mais on ne peut pas toucher au code-source», qui sert à recueillir et comptabiliser les votes. « Dans le même temps, Mozilla, Firefox, Java continuent de faire des mises à jour.»
Le ministère des Affaires étrangères indique qu’ « environ 2.000 demandes » (e-mails et appels téléphoniques) ont été traitées par sa cellule d’assistance technique pour les deux circonscriptions où se déroulaient une législative partielle en mai (Amérique du Nord et Europe du Sud). « En 2012 l’assistance avait reçu 24 000 demandes, ce qui représente au prorata du nombre d’inscrits, une baisse de sollicitation de l’assistance d’environ 65%», fait remarquer le Quai d’Orsay. Une baisse qui peut aussi s’expliquer par le recul du nombre de votants.
« L’an dernier, 55% des votes ont été émis via Internet, souligne pour sa part Jean Souto. On peut se focaliser sur les électeurs qui ont eu des problèmes, mais le vote par Internet est un vrai service à la communauté. Il est plus sécurisé que le vote par correspondance. »