French Morning continue sa série pré-electorale “Moi, Français et électeur américain”. Nous partons à la rencontre de bi-nationaux à travers le pays qui nous font découvrir les enjeux de l’élection, et les spécificités du système.
État démocrate depuis 2008, le Nevada peut-il à nouveau redevenir républicain ? La plupart des sondages donnent Joe Biden vainqueur avec 4 à 9 points d’avance, mais Donald Trump bat le pavé, espérant un retournement de dernière minute.
Installé depuis 2010 à Las Vegas, le chef pâtissier Michael Gillet est devenu américain la même année. “L’obtention de la nationalité était très importante pour moi, car ma famille et ma carrière se trouvent désormais dans ce pays”, explique-t-il. Comme il l’a fait en 2012 et 2016, il votera cette année mais, comme nombre de ses compatriotes américains -et en bon commerçant- il se garde bien d’en parler publiquement.
Surtout, si la course à la Maison Blanche accapare l’intention internationale, le pâtissier juge que l’essentiel est ailleurs. “On vote pour les maires, les gouverneurs, les sénateurs, la police, les juges… Ce sont ces personnes qui nous représentent le plus, et non pas le président. Quand vous avez compris cela, la vie politique américaine prend tout son sens”, assure-t-il.
Changements démographiques
Solidement républicain par le passé, le Nevada symbolise largement aux yeux des démocrates cette “nouvelle Amérique” sur laquelle ils comptent. La population y croît très rapidement (14% ces dix dernières années, plus de deux fois la moyenne nationale) et y est de plus en plus diverse: les blancs représentent désormais moins de la majorité (48%). Ce changement est aussi visible politiquement, constate Michael Gillet: “les gens de ma génération sont largement sur la même longueur d’ondes, quand les plus âgés votent à l’opposé”. Les centres urbains -Las Vegas, Henderson ou Reno- se transforment en bastions démocrates, face à des ruraux vieillissants. Une tendance accentuée par l’arrivée massive de Californiens ces dernières années. “Il faut prendre en compte leur arrivée, car ils pourraient bien soutenir en masse le parti démocrate”, constate Michael Gillet.
L’économie au coeur de l’élection
Pourtant, le Nevada est loin d’être gagné d’avance pour les démocrates. Les victoires des dernières années ont toutes été serrées (27.000 voix d’avance seulement pour Hillary Clinton en 2016) et surtout, estime Michael Gillet, la crise de la Covid-19 et ses conséquences sur l’activité de l’État seront les éléments déterminants de cette élection. Il met en avant la gestion de la pandémie par le gouverneur démocrate Steve Sisolak et son impact direct sur l’économie, avec la fermeture des commerces et des casinos qui représentent un pan entier de l’économie de l’État. Le Franco-Américain a ainsi vu son chiffre d’affaires dégringoler de 70 %, et il a dû licencier ses quatre employés. Selon les derniers chiffres, le Nevada enregistre le plus fort taux de chômage du pays (13,1 %) et beaucoup de “Nevadans” estiment que leur gouverneur en est responsable. De nombreuses pétitions circulent pour réclamer son départ et face aux promesses de Donald Trump de relancer l’économie, Michael Gillet sent que beaucoup de ceux qui ont voté démocrate en 2016 pourraient changer d’avis cette année si le message de Donald Trump -on en a trop fait sur la Covid, la priorité doit être donnée à la relance- est entendu.