Quand Virginie Morgon parle de tour du monde, elle prend soin de préciser « le premier ». C’était en 1988. Depuis, on ne les compte plus. A New York depuis août 2016 où elle a installé son « camp de base » pour piloter l’ouverture du premier bureau américain d’Eurazeo, la PDG voyage près d’une fois par mois en Europe, régulièrement aux Etats-Unis et à l’occasion en Chine.
Cela fait un an qu’elle a pris la tête de la société d’investissement basée à Paris et connue pour ses investissements à succès dans des groupes comme Moncler et Farfetch dans le luxe, l’opérateur de satellites Eutelsat, le loueur automobile Europcar ou encore le groupe hôtelier Accor. La dirigeante sera récompensée jeudi 9 mai pour son travail des deux côtes de l’Atlantique. Elle recevra la Médaille d’honneur du Center for French Language and Cultures de New York University lors du gala de la Maison Française, aux côtés de Michael Burke, PDG de Louis Vuitton.
Le secret de Virginie Morgon ? « L’énergie, la curiosité, l’excitation », énumère la mère de quatre enfants de 16 à 7 ans, de sa voix grave et directe. « Je suis quelqu’un de passionné. Quand je fais quelque chose, je suis complètement à ce que je fais ».
La businesswoman se réveille chaque matin avec quelque 250 mails – la magie du décalage horaire – et se rêve un « don d’ubiquité ». Surnommée dans la presse la « louve de Wall Street » ou la « Wonderwoman de la finance », elle a multiplié par cinq son équipe nord-américaine (d’une vingtaine de personnes aujourd’hui), déployé près de 900 millions de dollars sous forme d’actions dans six sociétés aux Etats-Unis et négocié une participation de 30% dans le fonds d’investissement américain Rhône Group. Le tout en pilotant à distance la maison-mère d’Eurazeo, qui gère aujourd’hui 20 milliards de dollars d’actifs.
« Le nom d’Eurazeo en tant que tel n’était pas connu aux Etats-Unis. Ça a été un challenge de construire une notoriété et des réseaux d’affaires », souligne Virginie Morgon, qui rappelle par ailleurs l’immensité du marché américain. “Il a fallu qu’on soit encore plus chirurgicaux dans le choix des secteurs et des géographies qu’on voulait couvrir. »
Une « bonne surprise » toutefois pour cette ancienne du groupe de conseil financier et de gestion d’actifs Lazard, dont le réseau new-yorkais s’est avéré précieux : « On n’était peut-être pas connus comme étant Eurazeo, société cotée d’investissement en France et en Europe. En revanche, on nous connaissait pour nos succès. On nous disait souvent : “Ah mais c’est vous derrière Moncler, Eutelsat, Farfetch, Rexel, Europcar ou Accor” », se souvient-elle.
Une autre corde à l’arc de cette Amazone de la finance : ses « réseaux women ». Car dans un secteur où seuls 15% des dirigeants sont des femmes selon le Global Gender Gap Report publié par le Forum économique mondial, Virginie Morgon est une fervente soldate pour l’égalité des genres. « Mon équipe en Amérique du Nord est équilibrée en terme de genres. C’est une grande fierté et ça prouve que c’est complètement possible, s’enthousiasme-t-elle. Rien n’est inaccessible et certainement pas pour une femme, atteste-t-elle. Les femmes sont exceptionnelles professionnellement. Elles donnent dans l’analyse, dans l’engagement, dans le multitâche, dans le collaboratif… Le mode de fonctionnement d’une femme est exactement ce qui fait les succès des entreprises aujourd’hui, observe la PDG. Les 30 prochaines années de la femme seront peut-être celles de la femme. »
Elle reconnaît toutefois qu’il y a « encore beaucoup de choses à faire », non seulement en matière d’égalité hommes-femmes, mais aussi dans le domaine de la diversité dans les entreprises. « La diversité n’est pas toujours facile à gérer parce qu’il y a des incompréhensions culturelles. Il faut faire un effort sur la langue. C’est quand même crevant de travailler en anglais et de temps en temps on a envie de repasser à sa langue natale, par exemple. Mais c’est tellement riche ! J’ai du boulot mais j’y crois énormément », poursuit l’investisseuse, qui se dit passionnée par la découverte de nouvelles cultures et se verrait volontiers changer à nouveau de continent. « J’ai ça dans le sang, c’est sûr. »