“Sans hésitation, Yehudi Menuhin” . Virgil Boutellis-Taft a plusieurs idoles, mais le premier nom qui vient à l’esprit de ce jeune violoniste, c’est celui du maitre américain. “Il jouait les trois “B” (Brahms, Beethoven, Bach) à 10 ans. Il avait une grande culture, beaucoup de courage et d’humanisme. Ca s’entendait dans son jeu” .
Enfant, Virgil Boutellis-Taft a eu la chance de jouer devant Menuhin, lors d’une masterclass en France. Il s’apprête aujourd’hui à marcher dans ses pas. Le jeudi 19 novembre, il fera ses débuts au Carnegie Hall, “une salle mythique” où Menuhin s’est produit à plusieurs reprises. Sur la scène du Weill Recital Hall, il sera accompagné de la pianiste californienne Tara Kamangar lors d’un récital intitulé “Entre Orient et Occident” . Bartok, Hersant, Chausson, Debussy notamment sont au programme. “Pourquoi de l’angoisse? rétorque-t-il quand on lui demande s’il n’a pas des nœuds à l’estomac. C’est un grand bonheur. Tous les plus grands ont joué là-bas” .
Violons cachés
Il a commencé le violon à l’âge de 6 ans, chez lui, près de Tours. “Alors que je jouais par terre, j‘ai vu des étuis de violon sous un lit. Je les ai attrapés”, se souvient-il. A qui appartenaient-ils? Il ne le sait pas. Peut-être à son grand-père ou arrière-grand-père, qui étaient violonistes. “J’ai aimé le côté tactile de l’instrument, sa sensualité. J’ai voulu en jouer, mais ils étaient trop grands pour moi. J’étais très déçu, mais mes parents ont vu mon intérêt et m’en ont acheté un à ma taille” .
A 9 ans, il fait “trois-quatre heures de violon par jour” . Et comme si cela n’était pas assez, il fait aussi du piano jusqu’à l’âge de “15-16 ans” . Pourquoi avoir choisi le violon? “J’avais l’impression de faire corps avec l’instrument” . Conservatoire de Tours, Premier Prix du Conservatoire de Paris puis, départ pour l’académie Frank Liszt à Budapest, où il rejoint un professeur rencontré en France. Le violoniste part ensuite faire ses gammes au prestigieux Royal College of Music à Londres, dont il sort avec les honneurs.
“Je savais très tôt que je voulais faire du violon. J’étais au CNED assez rapidement, se souvient-il. On exprime avec un violon ce qu’on ne peut pas exprimer avec les mots. Mon grand-père disait: Lorsque la musique est belle, je deviens musique et c’est ce qui me prive de mots pour en parler” .
Ce que Virgil Boutellis-Taft exprime quand il est sur scène, c’est une “palette de couleurs” , un style “tantôt tendre, enflamme, fougueux” . Sa musique l’a mené à des festivals prestigieux, comme “La Folle Journée” de Nantes (dont il a fait l’ouverture avec la violoniste Irène Duval). Il partage aujourd’hui son temps, et ses concerts, entre l’Europe et les Etats-Unis, même si une tournée en Chine est prévue. Un CD, enregistré chez Evidence/ Harmonia Mundi, doit sortir en octobre 2016.
Au Carnegie, il invite le public à partir à la rencontre de ces musiciens occidentaux qui ont été inspirés par “l’orient vécu, fantasmé“. Comme Ernest Chausson, dont le fameux “Poème” , qui figure au programme. Il est inspiré d’une œuvre de l’auteur russe Ivan Turgenev qui raconte l’histoire de deux amis très proches, un peintre, l’autre musicien, amoureux de la même femme. Cette dernière ayant choisi le peintre, le musicien part en Inde. Il en revient avec un instrument à corde magique qui lui permet de reconquérir la belle. Jaloux, le peintre décide alors de tuer son ami.
La pianiste Tara Kamangar, qui fera aussi ses débuts au Carnegie, dévoilera pour l’occasion une nouvelle composition écrite pour le violoniste. “La musique, c’est la plus belle façon de voyager. ”