Le débat autour du mariage gay n’a pas juste passionné la France. Il a trouvé un écho dans le Florida Agenda, l’hebdomadaire gratuit de la petite communauté de Wilton Manors.
Et pour cause: Wilton Manors était en 2010 la deuxième ville gay aux Etats-Unis, en proportion de couples de même sexe (après Provincetown, MA) ; il se dit aujourd’hui qu’elle aurait même pris la première place. Première ou deuxième, deuxième ou première: peu importe. Wilton Manors, ce quartier anciennement délaissé, est sans conteste devenu le « gayborhood » de Miami, bien que situé à une cinquantaine de kilomètres au nord, entre Fort Lauderdale et Pompano Beach. En une décennie, il a fièrement détrôné South Beach pour s’imposer comme un havre de diversité dans cet état très conservateur, se positionnant ainsi comme l’égal des quartiers de Castro à San Francisco, Chelsea à New York, ou encore West Hollywood à Los Angeles.
À la différence notable que Wilton Manors n’est pas niché au sein d’une mégalopole, mais est plutôt une entité urbaine en soi. Aussi, vous n’y trouverez pas de drapeau arc-en-ciel géant comme sur la Harvey Milk Plaza (Castro), mais vous aurez plutôt l’impression de circuler dans un quartier résidentiel en développement, où une vie piétonne peut par endroits reprendre ses droits.
Tout cela grâce au pionnier George Kessinger qui ouvrit en 1997 dans ce quartier inconnu et plutôt mal famé un bar, le Georgie’s Alibi, qui est devenu un patrimoine de Wilton Manors, nous racontent Tim et Caleb. Débarqués de l’Ohio il y a maintenant 12 ans, ces derniers tiennent aujourd’hui le Naked Grape Wine Bar (ci-dessus), qui vante les mérites de la diversité (une clientèle gay et hétéro de tous âges), de la déconnexion (ni TV, ni WIFI), et de l’art de vivre (à la française ?) rythmé de vins fins et fromages délicats, si possible bios, toujours locaux et de saison. Ils ont vu se développer le quartier à mesure que la communauté gay s’y installait, plaisantant que « traditionnellement, la communauté gay prend un quartier un peu ‘pourri’ et le transforme en quelque chose d’agréable ». Laissez Tim vous conseiller en vins (50% mardi et mercredi), et Caleb vous préparer une mozzarella fraîche de ses mains sous vos yeux, et n’oubliez pas de converser en français avec Rose, l’assistante haïtienne de Caleb.
Vero, Ardéchoise, et Jean, Irlandaise, patronnes du restaurant Le Patio, tiennent le même discours. Pour une cuisine familiale, ‘comfort food’ comme elles l’appellent, elles vous préviennent d’entrée : « Ici, ce n’est pas Burger King, vous ne l’avez pas à votre manière, mais vous le prenez comme je vous le sers ! » tournant en dérision la devise historique de la franchise. D’ailleurs, vous ne trouverez que très peu de franchises à Wilton Manors, mais plutôt des enseignes indépendantes comme les historiques Rosie’s (et son brunch très couru) ou Tropics (de clientèle plus âgée).
Parcourrez, à pied évidemment, Wilton Drive entre 20th et 26th Streets et vous y apprécierez le rythme de vie tranquille en journée, et l’énergie qui emplit le quartier à la tombée de la nuit, avec les incontournables nocturnes que sont le Village Pub ou encore The Manor. Pour des sushis, ce sera Sozo.
Et avec trois fois plus de francophones qu’à Miami, vous pourrez sans doute débattre, en français, des prochaines décisions de la Cour Suprême, en juin, sur la légalisation fédérale du mariage des gays aux Etats-Unis.
Photo: au Naked Grape Wine Bar. Credit: Yann Rousseau