Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres sur l’épanouissement personnel.
Aujourd’hui, le récit de David, pris dans l’ascenseur émotionnel.
« Vous connaissez la “courbe d’ajustement de l’expatrié ?” Pas moi. Enfin, jusqu’à récemment. Elle montre les phases à travers lesquelles passe tout expatrié à ses débuts. Ce n’est pas très compliqué : c’est une montagne russe. Elle commence très haut et redescend très vite et très bas et s’étire sur douze à vingt-quatre mois.
La mienne est différente. Elle a commencé par un long plateau aux sommets. Je suis arrivé à Miami juste après la pandémie, sans femme ni enfants restés en France jusqu’à la fin de l’année scolaire. On sortait du confinement. La Floride… C’était dingue. J’ai bossé comme un fou. Je me suis acheté une Mustang (en France j’avais une Peugeot 3008). Le soir, je dînais les pieds dans le sable. Le ciel toujours bleu. La piscine.
Juste au moment où je commençais à tourner en rond, ma famille m’a rejoint. On a vécu six mois de bonheur absolu. On avait nos adresses, nos sorties. On a commencé à se faire des amis. Nos enfants aussi. Franchement, je ne pouvais pas rêver mieux. Ce que je ne savais pas, c’est que j’étais dans la zone « lune de miel » de la courbe d’ajustement de l’expatrié.
Sans que j’en prenne vraiment conscience, les choses ont un peu commencé à se gâter. Certaines habitudes des gens du coin, la dimension « bling-bling » qui m’avait amusée au début. La nourriture, toujours un peu la même. Voilà, j’avais commencé à dévaler la pente naturelle du « choc culturel ». Le « Ce n’est pas si bien que ça ». Rien de grave, rien d’insurmontable.
On en a profité pour rayonner autour de la Floride, remonter vers le nord, visiter New York, Boston, Chicago. Se faire quelques shoots de froid. On a même redécouvert la neige. Et donc, c’est passé, cette période de spleen. J’ai retrouvé le plaisir de vivre et de travailler aux US.
Ce que je ne savais pas, c’est qu’il y aurait bientôt une deuxième chute, plus brutale, cette fois-ci, à cause du boulot. Alors qu’ils s’étaient engagés à ne pas le faire, mes boss ont embauché, pour me seconder, un “local”. Ils n’étaient plus sûrs qu’un Français soit tout à fait à même de comprendre toutes les subtilités du marché. J’ai bien compris que le gars avait pour vocation à me remplacer. Rien de personnel. Que du professionnel. Tout à coup, la liberté et la flexibilité du monde du travail américain, que j’avais tant vantées, m’ont semblé insupportables. Et cette absence de culture, de recul, de profondeur. L’argent, le golf, les voitures, les bateaux et les Keys… Il n’y a que ça qui compte ici ? Je m’en étais persuadé.
Je suis devenu irritable, insupportable, raciste. Je disais des phrases qui commençaient par « Au moins, en France… » Voilà, j’étais tombé dans la phase dépressive qui a quand même duré quelques semaines (après relecture par ma femme : “quelques mois”).
Et puis, j’ai remonté la pente “compensation / réintégration”. J’ai essayé de rapprocher mon comportement de celui des locaux. Je me suis habitué à ce que je voyais comme leurs défauts et… j’ai changé de job avec une facilité déconcertante. Finalement, ce n’était pas si mal, les États-Unis.
J’avais connu l’ascenseur émotionnel. J’étais passé par des hauts et des bas, mais si j’en crois la “courbe d’ajustement de l’expatrié”, je ne devrais plus connaître de chute vertigineuse. Vraiment ? »
La réponse de French Morning
Merci pour votre témoignage, David. Dans son introduction à La puissance des émotions, Michelle Larivey explique le rôle des émotions :
« Nous connaissons parfois des états de grand manque, comme c’est le cas dans la dépression. Ce n’est pas parce que nous ne sommes pas un professionnel de la psychologie que nous sommes démunis devant ces états.
C’est plutôt parce que nous ne nous fions pas aux émotions que nous éprouvons. Il faut toutefois dire que le décodage est parfois rendu difficile parce que le langage que nous employons pour nommer ce que nous ressentons, n’est ni adéquat ni précis. Les émotions ont donc pour fonction de nous dire notre degré de satisfaction, et cela, de façon continue.
Les positives signalent la satisfaction, et les négatives, l’insatisfaction. Pour marquer la satisfaction, nous disposons d’une variété de sentiments qui s’étendent du simple contentement à l’euphorie. Entre ces deux extrêmes, il s’en trouve un grand nombre parmi lesquels : le plaisir, la joie, le ravissement, la jouissance. Chacun d’entre eux traduit une expérience différente en nature et en intensité, mais tous sont indicateurs de satisfaction.
Pour marquer l’insatisfaction, il existe aussi une longue série d’émotions allant du simple mécontentement à la rage et à la douleur. Entre celles-ci se situent l’ennui, la tristesse, la déception, la mélancolie, la colère, etc. Chaque émotion de ce répertoire traduit aussi un vécu différent en nature et en intensité, mais elle exprime toujours l’insatisfaction. »
Pour compléter cette approche, voici comment Tal Ben-Shahar, l’expert en bonheur nous conseille d’affronter les émotions négatives :
« Il importe de distinguer entre accepter les sentiments négatifs et les ressasser. Accepter, cela implique de coexister pacifiquement avec eux. Ressasser implique d’y réfléchir de manière obsessionnelle.
Or s’obséder à propos d’une émotion ou de l’événement qui l’a suscitée est une démarche non productive, morbide, susceptible de l’intensifier au lieu de la dissoudre. « Le ressassement est une conséquence du problème, et non un aspect de la solution », souligne Mark Williams.
Nous sommes nés avec la faculté de nous guérir nous-mêmes. Notre organisme sait lutter contre les germes, réduire ses fractures, voire faire repousser sa peau. Pour cela, nous devons laisser au guérisseur qui est en nous le temps de faire son œuvre. Sur le plan psychologique aussi, il existe des mécanismes curatifs.
Mais, en plus du temps qui passe, cette guérison-là exige qu’on reporte son attention sur la souffrance affective, et durablement. On n’a pas forcément besoin de l’aide d’un professionnel de santé pour soigner ses bleus, ses égratignures; de la même manière, dans bien des cas, il suffit de laisser son guérisseur psychologique entrer en action, sans faire appel à un soutien extérieur. »
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