Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres sur l’épanouissement personnel.
Aujourd’hui, le récit de Vincent et de ses filles, prises de panique dans le métro.
« Eh bien moi, j’ai peur. »
C’est la phrase qui est sortie toute seule, presque malgré moi, à un dîner qui réunissait quelques amis français, résidant à New York depuis longtemps et un couple d’Américains. « Peur ? Mais peur de quoi ? m’a-t-on répondu, avec un peu de condescendance. New York est la ville la plus sûre des États-Unis ! » Et quelqu’un d’ajouter : « Je me sens beaucoup plus rassurée ici que dans le métro à Paris… » J’étais outré par tant de mauvaise fois. « Pardon ? Mais est-ce que tu sais que des crimes violents sont commis tous les jours à New York ? » « N’exagère pas non plus ! Pas tous les jours… Et puis, pas dans tous les quartiers… »
J’étais très énervé. Il faut dire que nous avions vécu quelques jours auparavant, un de ces événements quotidiens qui avait traumatisé mes deux filles. Nous rentrions de l’école en métro et dans le wagon, une jeune femme, peut-être sous crack ou schizophrène, ou peut-être les deux, s’est mise à nous hurler dessus, à nous insulter sans raison. Elle était à moitié nue, portait plein de sacs dont, je me souviens, un énorme paquet de papier toilette sur les épaules. Les filles étaient terrorisées. Nous avons dû changer de places et nous rapprocher des portes jusqu’à la prochaine station, mais la femme continuait à proférer des insultes violentes et grossières. Mes filles étaient collées contre moi. Je les tenais serrées, pas complètement rassuré non plus. Et si cette femme avait une arme ? Un couteau, un cutter. Et même un revolver ! Qui sait ?
Quand j’ai raconté cette histoire à table, tout le monde a essayé de minimiser l’événement. « Il n’y a vraiment aucun danger. Ils ne sont pas méchants. Il faut juste les laisser gueuler et ne pas y prêter attention. »
C’est exactement ce qui s’est passé. Business as usual. La plupart des voyageurs portaient des écouteurs, personne n’a rien dit, comme si cela faisait partie du quotidien normal du New-Yorkais. Pas un sourire réconfortant, pas d’empathie. Rien. Mais à la station suivante, la moitié de la rame est descendue. Eux aussi avaient peur. Mais personne n’ose le dire. On baisse la tête, on regarde ailleurs en espérant que ça ne nous tombe pas dessus. « C’est ça, la réalité de New York, ai-je fini par dire. Tous les jours, dans tous les quartiers, du Bronx à Brooklyn, des enfants, des vieux, des adultes, se prennent des coups de couteau, se font descendre en plein Times Square ou pousser sur des rails, par un fou furieux dont la place serait à l’hôpital. » « Allez… Tu exagères… » « Lisez les news locales. Pas seulement le New York Times… » « Come on. This is New York, get used to it. »
Depuis, les filles ne veulent plus descendre dans le métro et je les comprends. Elles voudraient prendre un taxi… à 45$ ? Ou le bus, mais alors multipliez le temps de trajet par deux. « Pourquoi on n’achète pas une voiture ? » Bien sûr. Sur un claquement de doigts.
Mes filles vont grandir. Elles finiront par s’habituer aux dangers, à ne plus avoir peur. Mais je ne suis pas sûr d’y réussir… »
La réponse de French Morning
Merci pour votre témoignage, Vincent. Michelle Larivey consacre un long article très éclairant à la peur dans La puissance des émotions. En voici un extrait.
Qu’est-ce que la peur ?
La peur est une émotion d’anticipation. Elle informe l’organisme d’un danger potentiel. Ce n’est pas ce qui se produit au présent, mais ce qui pourrait survenir dans un avenir plus ou moins rapproché (dans quelques secondes, quelques jours) qui représente un danger.
L’évaluation du danger est toujours subjective. La peur, donc, comme tantes les émotions, est subjective.
La peur est déclenchée par la perception d’un danger. Cette perception n’est pas forcément réaliste même si celui-ci est vécu comme inéluctable. L’imagination joue un rôle important dans la formation de la perception. L’opération mentale qu’est la perception est constituée de quatre éléments: des faits, des émotions, une production de l’imaginaire et un jugement.
Dans le cas de la peur, c’est l’anticipation, c’est-à-dire le fait d’imaginer ce qui pourrait se produire, qui déclenche l’émotion. La peur de se noyer, emporté par une vague déferlante, comme dans le deuxième exemple, apparaît irréaliste à certains. Mais celui qui n’est pas familier avec les vagues ou qui craint l’eau pense que l’éventualité est plausible. Il s’imagine être emporté par le reflux ou encore paniquer si la force de la vague le maintient quelques secondes sous l’eau. Mais l’événement prédit ne se produit pas fatalement.
La peur s’accompagne d’une série de réactions physiques de mobilisation. Lorsque l’organisme perçoit un danger, les glandes surrénales augmentent leur production d’adrénaline. L’organisme se mobilise alors pour la fuite ou la défense : accélération des battements du cœur, augmentation de l’acuité mentale, décomposition des graisses pour fournir plus d’énergie, etc. C’est seulement quand le péril est écarté qu’est ressentie l’intensité des effets physiologiques de la peur.
À quoi sert la peur?
La peur nous avertit de la présence possible d’un danger. L’information qu’elle fournit nous permet de prendre les mesures propres à nous protéger. À ce titre, elle est précieuse et même indispensable à la vie. Cela dit, nous avons toutes sortes de réactions devant la peur. Il arrive que ces réactions soient tout à fait adaptées, mais à d’autres moments, elles peuvent aussi nous handicaper.
La paralysie
Dans certains cas, la paralysie est une réaction protectrice fort efficace. Si j’assiste à un cambriolage à main armée, il est sans doute préférable que je me fasse oublier plutôt que je tente de m’échapper ou de crier de peur.
L’évitement
Il est tentant d’éviter tout ce qui nous fait peur sans discrimination. En vivant ainsi, toutefois, nous nous aménageons une existence qui deviendra de plus en plus restreinte. Pour gagner de la liberté, il est au contraire nécessaire d’apprivoiser nos peurs.
L’important est d’évaluer le prix que nous paierons pour apprivoiser notre peur, comparativement à celui qu’il nous en coûtera de l’éviter.
La négation du danger
À l’opposé de l’évitement se trouvent les comportements dits « contre-phobiques » : la personne fonce, tête baissée, apparemment insensible au danger. Elle aborde le danger en le minimisant ou en ne le considérant pas comme réel. Une telle attitude amène ces personnes à se lancer dans des aventures qui sont nettement au-delà de leurs forces ou encore à négliger de prendre les précautions nécessaires pour minimiser les dangers.
Que faire avec la peur?
Il faut d’abord être toujours réceptif à l’information fournie par la peur, car c’est notre instinct de protection qui s’exprime à travers elle. L’instinct de protection est une manifestation de la force vitale qui pousse les êtres vivants à maximiser leur vie.
Il importe ensuite de vérifier s’il existe un danger réel. En effet, la peur est un avertissement que nous fournit l’évaluation d’une situation. Nous devons don nous assurer de la justesse de notre perception afin de pouvoir nous prémunir contre le danger en cas de besoin.
Enfin, il faut apprivoiser l’objet de la peur qui, par définition, se fait par étapes. Il s’agit de graduer le contact avec ce qui fait peur et de persévérer. »
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