Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres sur l’épanouissement personnel. Illustration Clémentine Latron.
Aujourd’hui, suivons l’histoire de Claire qui s’est longtemps posée la question du retour. Jusqu’à ce que les étoiles semblent s’aligner.
« Il y a neuf ans, mon mari Richard et moi avons quitté la France pour les États-Unis. Ce départ n’était pas vraiment planifié. Plutôt une opportunité professionnelle inattendue. Un hasard. Richard est parti seul pour une mission qui devait durer un an. Je l’ai rejoint ensuite, avec nos deux enfants, pensant que nous rentrerions rapidement. Mais finalement, nous sommes restés dix ans.
Ces années ont été marquées par des moments de bonheur, mais aussi de difficultés, notamment administratives. Le Covid a été particulièrement éprouvant. Nous nous sommes retrouvés coincés, sans possibilité de rentrer en Europe, même si nous étions en règle ici. J’ai détesté ce sentiment d’impuissance, comme si nous étions prisonniers d’un pays où nous n’étions jamais totalement les bienvenus. Ce malaise a progressivement éveillé en nous des questions plus profondes sur notre place ici.
Après cette période, on a commencé à réfléchir sérieusement à notre avenir. Nous avons demandé et obtenu la Green Card, première étape avant d’opter pour la citoyenneté américaine. Mais en réalité, nous ne nous voyions pas vieillir aux États-Unis. Les fondements les plus importants pour nous que sont la culture, la santé et l’éducation sont aussi les plus coûteux.
Au-delà des aspects pratiques, c’est la culture américaine elle-même qui nous a semblé, peu à peu, moins adaptée à nos valeurs. Les relations sociales, que nous avons d’abord trouvées stimulantes, parce que nouvelles, se sont révélées souvent superficielles et transactionnelles. Nous avons éprouvé un besoin croissant de liens plus authentiques, plus profonds. Nos amitiés les plus sincères se sont toujours formées avec des familles européennes ou latines, ce qui nous a fait réaliser que nous étions culturellement trop éloignés de l’Amérique pour y rester indéfiniment.
Un autre facteur important a été nos familles en France. Nos parents vieillissent, et la distance commençait à peser lourd. Un accident mineur survenu à mon père a agi comme un signal d’alarme : il était peut-être temps de rentrer avant qu’il ne soit trop tard. Cette réflexion s’est accompagnée d’un questionnement plus large sur notre qualité de vie. L’inflation ici rognait chaque année un peu plus notre pouvoir d’achat, et le contraste avec la France devenait évident. Nous avons décidé de rentrer l’année prochaine. Les étoiles nous ont semblé alignées : nos deux enfants auront terminé leur cycle d’étude.
En fin de compte, cette aventure américaine a été enrichissante, folle, étonnante, fantastique. Mais nous avons réalisé qu’elle devait prendre fin, sans regret. Ce retour est choisi, réfléchi, et nous sommes heureux de pouvoir l’organiser à notre rythme. Nous garderons toujours une part des États-Unis en nous, et nous y reviendrons sûrement, mais cette fois-ci en tant que visiteurs, pour profiter des aspects que nous aimons, sans les contraintes du quotidien. »
La réponse de French Morning
Merci Claire pour votre témoignage. Abordons aujourd’hui le mécanisme complexe de la “prise de décision”. Étudié depuis longtemps par la philosophie et plus récemment, par les neuro-sciences, son fonctionnement est loin d’avoir livré tous ses secrets. Ce n’est que récemment que les chercheurs ont commencé à s’intéresser à l’impact des émotions sur la prise de décision. Pendant longtemps, on a considéré que les décisions étaient fondées uniquement sur des principes rationnels, selon un logique pure, dénuée de toute émotion, qui serait capable de résoudre n’importe quel problème en s’appuyant sur des faits et des données.
Mais dès 1994, des recherches ont montré que les émotions jouent un rôle essentiel dans la prise de décision : notre cerveau les utilise pour guider nos choix, souvent en une fraction de seconde. Nos capacités de mémoire ne suffisent pas pour analyser toutes les options possibles de manière purement rationnelle. Ainsi, notre cerveau se sert des émotions pour réduire les options disponibles : une émotion négative associée à une option la fait rejeter, tandis qu’une émotion positive permet de la conserver.
Les émotions sont particulièrement cruciales lorsque nous devons réagir face à un danger immédiat, où elles influencent la décision en un instant. Pour des choix plus réfléchis, comme c’est le cas dans le récit de Claire, les émotions continuent de jouer un rôle en orientant notre perception. Par exemple, on peut dire « je sens que ce n’était pas la bonne décision » pour exprimer ce signal émotionnel inconscient.
Ainsi, les émotions aident à anticiper les conséquences de nos choix, mais servent aussi à les confirmer au moment de la décision. C’est en vous appuyant sur les émotions ressenties à l’évocation de votre départ que vous êtes parvenue, Claire, à la bonne décision.
Pour approfondir le sujet, vous pouvez lire l’article dont nous avons fait le résumé pour accompagner ce témoignage.