Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres et de revues sur l’épanouissement personnel. Illustration Clémentine Latron.
Cette semaine, découvrons l’histoire du licenciement d’Alexandra.
« J’avais, comme tout le monde, cette image bien en tête : la jeune et jolie working girl tenant entre ses bras maigres son carton d’affaires dans l’heure qui suit son licenciement. Je me demandais toujours ce qu’il pouvait y avoir dans la boîte. Une plante verte ? Une pauvre petite lampe ? Un cadre de photo ? Maintenant je sais. C’est exactement ce qui m’est arrivé (même si je n’ai pas, à proprement parler, de bras maigres).
On m’avait débauchée, il y a six ans, d’un poste confortable à Paris, pour une mission challenging à San Francisco. Vous savez comment sont les Américains, cette manière qu’ils ont de vous faire sentir unique… Jusqu’à ce que le contrat soit signé. Ensuite, ils passent à autre chose. Toujours est-il que je suis arrivée à SF sur mon tapis (volant) rouge, mais que l’atterrissage a été un peu violent. Je n’étais plus vraiment l’amazing Alex. Seulement une salariée avec de gros objectifs. Mais ça s’est bien passé. Il suffisait de faire miens les process de l’entreprise, ce à quoi je me suis attelée avec bonheur. Je suis très à l’aise avec les cadres, les tableurs et les feuilles de route.
Les cinq premières années se sont très bien passées. L’activité était bonne. La boîte grandissait. J’étais appréciée. Et puis le marché s’est retourné : les clients qui achetaient nos produits ont arrêté de le faire. En masse. Un vent de panique s’est mis à souffler sur l’entreprise qui a commencé à licencier. Je ne me suis pas sentie concernée, jusqu’à ce que je le sois. Juste avant mon départ en congé, la RH m’a dit : « À ton retour, nous devrons nous séparer de toi ou de ton collègue. » Ils m’ont même donné son nom. Finalement, ça a été lui mais vous imaginez mes vacances…
Les mois suivants ont été épouvantables, l’ambiance exécrable. Ce que je ne savais pas, c’est que la plupart de mes collègues vivaient exactement la même angoisse que la mienne. Mais personne n’osait se l’avouer. Quelqu’un, une Française, a proposé un drink tous les premiers jeudis du mois et ça nous a bien aidés. On a pu partager nos expériences, nos ressentis. Mon équipe était décimée, mais je tenais bon. Je mettais un point d’honneur à ne pas quitter cette belle énergie qui a toujours contribué à mon succès.
Et puis le premier mail est arrivé : celui qui annonçait que ceux qui étaient licenciés en recevraient un autre dans l’heure. Je crois n’avoir jamais autant de fois rafraîchi ma boîte mail. Cinquante-cinq minutes d’attente. Je me suis crue sauvée. Sauf que non. Je faisais partie des nouveaux départs. Comme mon contrat s’arrêtait sous quinze jours, ils m’ont autorisée à partir plus tôt. Ce que je n’ai pas fait. Je voyais mes camarades d’infortune faire leurs fameux cartons sans aucun état d’âme. J’en étais incapable. J’ai même assisté à une réunion. « Mais qu’est-ce que tu fais-là ? » m’a demandé ma boss. L’attachement à une équipe, à un job, une marque, une entreprise… Je crois que c’est quelque chose que les Américains ne connaissent pas. Ça doit être plus facile, quand rien n’est personnel. Mais pour moi, prendre une dernière fois l’ascenseur, mon carton à bout de bras, ça a été l’un des pires moments de ma jeune vie professionnelle. »
La réponse de French Morning
Merci Alexandra pour votre témoignage. Il semblerait en effet que les Américains soient moins attachés à leur entreprise que les Français. Encore faudrait-il s’accorder sur ce que l’on entend par attachement.
Qu’est-ce que l’attachement ?
L’attachement est une forme de relation émotionnelle ou de connexion psychologique, un sentiment de proximité envers d’autres êtres humains (parents, frères et sœurs, amis, conjoints, etc.). Il constitue le fondement du développement humain, influençant largement notre capacité à établir des relations interpersonnelles et à développer un sentiment d’appartenance.
John Bowlby, psychologue britannique et pionnier en psychologie du développement, définit l’attachement comme la propension à établir des liens émotionnels forts – des relations significatives – avec les autres qui nous entourent. Il soutenait également que les relations sont une composante fondamentale de la nature humaine, agissant comme un moyen d’échanger des informations, du réconfort, des soins et du plaisir.
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