Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres sur l’épanouissement personnel.
Aujourd’hui, le récit de Fabrice, frustré de ne pas maîtriser l’anglais.
« La scène s’est déroulée plusieurs fois : j’entre dans n’importe quel café et, au moment où je commande mon « oat latte », le ou la barista me demande avec un sourire gêné : « sorry… what ? » J’essaye alors plusieurs approches, plusieurs accents jusqu’à ce que ce même barista finisse par hurler « Aaaaaah… Oat latte ! » Ce n’est pas exactement ce que je viens de dire ?
Apparemment pas, me dit ma fille qui essaye, en vain, de me corriger en faisant toutes sortes de contorsions avec sa bouche : « oat… » « Désolé ma chérie, je ne fais pas la différence. » « C’est pas difficile, pourtant ! »
Donc, non, je n’ai pas le don des langues. Petit, je n’ai pas accompagné mes parents à travers le monde et les cultures, voyages qui m’auraient peut-être formé l’oreille. À l’école, je n’ai pas particulièrement brillé dans l’apprentissage de l’anglais ni, d’ailleurs, de l’espagnol dont je ne garde presque aucun souvenir. Alors imaginez le challenge lorsque nous avons décidé d’accepter la mutation de ma femme à Miami. Ma femme qui, bien sûr, parle plusieurs langues, elle.
Bon, OK, je fais un peu ma victime. Mon anglais n’est pas si catastrophique. J’arrive à me faire comprendre – sauf quand je commande un latte – et je comprends à peu près ce qu’on me dit. Disons 80%. Mais j’ai honte, en fait. Un grand garçon comme moi, incapable de développer une idée un peu intéressante. Je veux dire en anglais. Heureusement que je n’ai personne à séduire. Elle me prendrait pour l’idiot du village. Le gars gentil qui sourit tout le temps, à défaut de dire un truc intelligent, faute de mots.
On m’avait dit que les Américains adoraient l’accent français et c’est vrai. On m’avait dit que tout le monde, ou presque, parlait avec un accent et donc, qu’il fallait se lancer sans chercher à bien parler. Mais c’est faux. J’ai essayé. Dans mon cas, ça n’a pas marché. Et moins ça marche, plus je panique. Et plus je panique, moins je parle…
Donc, ma question, French Morning, c’est : est-ce qu’il existe un moyen pour éviter que je me tape la honte à chaque fois que j’ouvre la bouche ? (Et ne me renvoyez pas vers un cours d’anglais s’il vous plaît !) »
La réponse de French Morning
De toute évidence, Fabrice, vous éprouvez de la honte. Nous ne pouvons pas vous apprendre l’anglais, mais peut-être vous apprendre à gérer votre honte ? Voyons tout d’abord ce que dit Michelle Larivey dans La puissance des émotions sur la honte que vous ressentez.
Qu’est-ce que la honte ?
La honte est une émotion mixte. Elle est la version sociale de la culpabilité. Nous n’éprouvons jamais de honte lorsque nous sommes seul, face à nous-même. La honte est un sentiment qui est toujours vécu « devant » les autres, à cause de leur jugement réel ou virtuel. La honte survient lorsque nous sommes vu dans un aspect de nous que nous jugeons très négativement. Elle est composée d’une réaction d’humiliation devant le jugement de l’autre ainsi que du jugement négatif que nous portons nous-même sur cet aspect. De plus, lorsque la honte concerne notre comportement, elle s’accompagne souvent de culpabilité.
À quoi sert la honte ?
Elle nous oblige à constater que nous n’assumons pas ce qui nous fait honte. Elle permet aussi d’identifier le jugement que nous portons nous-même sur le sujet, ce jugement qui nous rend justement difficile d’assumer l’objet de la honte. Enfin, elle nous informe de l’importance qu’ont pour nous les personnes devant lesquelles nous avons honte.
Il faut un certain courage pour s’exposer au jugement de l’autre et consentir à éprouver de l’humiliation. Si je considère comme puérile ma peur de parler en public, il est normal que je craigne que d’autres portent le même jugement que moi. En m’exposant à leur critique, je prends le risque d’être humilié. Par contre, si je ne m’expose pas dans ce que je suis, je perds une occasion de m’assumer. Or, il est particulièrement important, pour croître, de me confronter aux raisons de ma honte. C’est de cette façon que je peux éventuellement la dépasser. »
Peut-être êtes-vous trop dur avec vous-même, Fabrice, et que vous progressez, lentement, mais vous progressez. Le pire serait de ne plus parler du tout, ne plus rien tenter pour ne pas se tromper. C’est ce dont parle Tal Ben-Shahar dans son livre Choisir sa vie.
« Quand on parle d’une personne qui a brillamment réussi, on ne mentionne généralement que ses exploits – il est rare qu’on énumère les nombreux fiascos et autres échecs qui ont jalonné sa route. Et pourtant, à travers l’Histoire, les gens qui ont été couronnés de succès sont aussi ceux qui ont subi le plus de revers. Et cela n’a rien d’une coïncidence. Les gens qui accomplissent des prouesses, dans quelque domaine que ce soit, savent que l’échec n’est pas un obstacle rédhibitoire, mais au contraire un tremplin sur le chemin de la réussite. Pas de succès sans risques, donc sans ratés. Et si cette évidence nous échappe souvent, c’est que le résultat final est plus visible que le processus et ses multiples embûches. Si je m’avoue que pour réaliser mon potentiel je dois être prêt à trouver l’échec sur ma route, je ne fuis plus le risque, le pari. Le choix est alors simple : apprendre à échouer, ou échouer à apprendre. »
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