Les lecteurs de French Morning nous soumettent régulièrement leurs problèmes liés à l’expatriation. Deux fois par mois, Vie d’Expat essaie de les aider en ouvrant sa bibliothèque de livres et de revues sur l’épanouissement personnel. Illustration Clémentine Latron.
Cette semaine, découvrons l’histoire de Pascal qui a tout pour être heureux.
« Parmi toutes les raisons qui nous ont poussés à venir nous installer aux États-Unis, la qualité de vie faisait partie du top 3. Nous avons hésité, mon mari et moi, entre New York et la Floride. Et c’est finalement à Miami que nous avons trouvé des opportunités de travail pour tous les deux. Marc est dans la finance et moi dans le retail. Comme nous n’avons pas d’enfant, la question de l’école ne se posait pas. Nous n’avons eu aucun problème pour trouver notre appartement avec vue sur la mer, sur l’île de Key Biscayne. Changement radical pour nous qui venions du 4ᵉ arrondissement, à Paris. J’ai eu peur au début de ne pas supporter la vie en voiture, mais force est de constater que l’on s’y fait vite. Alors oui, je regretterai toujours mes chers commerçants de la rue des Francs-Bourgeois, mais rien d’insurmontable non plus.
La première année a été paradisiaque. L’hiver est divin. L’été… climatisé. Et puis, il y avait nos quelques semaines en France pour nous rafraîchir. De temps en temps, on restait assis sur notre terrasse, sans rien dire, main dans la main, à profiter seulement de la lumière en nous disant intérieurement, « Mais quelle chance nous avons d’être là ! »
Mais, insidieusement, le travail a pris le pas sur tout. Ce n’est pas tant l’ordinateur rapporté au lit presque tous les soirs, que les voyages. Je suis constamment en déplacement. Des voyages intérieurs, mais pas ceux de Baudelaire : Texas, Californie, Illinois, New York. Ça ne s’arrête jamais. Et puis quelques allers-retours express en France parce que maman ne va pas très bien et qu’elle a besoin de son fils. Je ne parle pas de la fatigue, que je gère. Je ne parle pas du stress, de tous les tracas du voyageur. « Mon avion a été retardé. » « On n’a pas pu atterrir à Chicago à cause de la neige. » « Mon retour est décalé d’une journée. » Non, je parle de cette impression de ne profiter de rien.
Pourtant, la qualité de vie est là, c’est évident. Tout est si facile, si accessible : bateau, golf, restaurants, plages, parcs. C’est incroyable, pour un Français, de découvrir, pourvu que vous y mettiez le prix, à quel point tout est facile dès qu’il s’agit de loisirs. Mais la vérité, c’est que nous n’en profitons pas. Un peu comme les piscines dans les buildings. Personne n’y va jamais. Les week-ends, je me repose et, si je me lève trop tard, la location d’un bateau pour quelques heures est un peu ridicule.
Je n’ai pas le sentiment de passer à côté de ma vie. Je ne suis pas en train de réclamer ma cinquième semaine de vacances. Je ne demande pas de finir à 5h. Mais je voudrais quand même profiter de tout ce que j’ai à disposition autour de moi. Sinon, à quoi bon ? »
La réponse de French Morning
Merci pour votre témoignage Pascal. Peut-être, passez-vous à côté de petits plaisirs, bonheurs qui vous aideraient à répondre à la question : « À quoi bon ? » Depuis les années 2000, la psychologie positive s’est beaucoup intéressée aux mécanismes du bien-être et du plaisir, en posant la question : pourquoi certains éprouvent-ils un ravissement profond en écoutant de la musique ou en effectuant des tâches du quotidien ? Après des décennies d’observation, le chercheur Mihaly Csikszentmihalyi a mis en lumière un facteur clé : l’attention. Ceux qui savent focaliser pleinement leur esprit sur une activité, sans se laisser distraire, atteignent un état de concentration intense appelé « flux ». Cet état de pleine immersion, proche de la pleine conscience évoquée par les traditions bouddhistes, peut être ressenti dans divers contextes : travail, loisirs, cuisine, ou même relations intimes.
Cette approche s’éloigne d’une conception du plaisir centrée sur la consommation et la recherche effrénée de sensations fortes. L’idée est plutôt de savourer des moments simples du quotidien en développant une conscience accrue de ces instants. La psychologue Sonja Lyubomirsky suggère ainsi d’accorder de l’attention aux petites sources de joie, comme la saveur d’un fruit ou la chaleur du soleil sur la peau, et de les « enregistrer » mentalement pour se constituer une réserve de souvenirs positifs.
Un exercice souvent préconisé par ces spécialistes consiste à dresser une liste des instants qui procurent du plaisir, favorisant ainsi une prise de conscience et une appréciation plus profonde du moment présent.
Toutefois, se contenter d’accumuler ces petits bonheurs ne suffit pas. Pour atteindre un état de satisfaction durable, il est essentiel de donner un sens à ces plaisirs. Selon le psychologue Martin Seligman, le bonheur véritable découle de l’utilisation de ses forces personnelles au service d’un objectif plus vaste.
La connexion avec soi-même est également primordiale. La psychothérapeute Hélène Roubeix, qui a étudié la sortie de la dépression, insiste sur l’importance de développer une relation harmonieuse avec son intériorité. Le véritable plaisir, selon elle, ne réside pas seulement dans la stimulation sensorielle externe, mais aussi dans la capacité à ressentir profondément ses émotions et à être en accord avec soi-même.