Ils avaient posé leurs valises aux États-Unis pour trois ans. Tout feu tout flamme, ils y ont refait leur vie, s’y sont plu, et la question du retour en France s’est progressivement éloignée. Vingt ans plus tard, ils sont américains, possèdent une maison (et un chien !) et leurs enfants étudient aux quatre coins du pays. Peu ou prou, cette histoire est celle de nombreux Français installés de longue date aux États-Unis. Une décision qui n’a rien d’anodin. Elle interroge le couple, la carrière, les liens avec la famille restée en France, l’avenir des enfants… Pour French Morning, des expatriés racontent pourquoi ils ont choisi de bâtir durablement leur vie de l’autre côté de l’Atlantique.
Beaucoup ont été attirés au pays de l’Oncle Sam par une première opportunité professionnelle. Ils ont prolongé leur expatriation en voyant leur carrière s’élargir à 360 degrés tout en goûtant à une qualité de vie inégalée. C’est, en résumé, l’histoire de Jean-Marc et Sandra. Arrivés en 2006 à Los Angeles avec leur fille aînée âgée de deux ans et demi, ils devaient y rester trois ans, la durée du contrat d’expat’ de Jean-Marc comme Directeur commercial dans son groupe aéronautique. Le Golden State, cet amoureux de vieilles voitures et de spectacles de magie en rêvait. 17 ans plus tard, la lune de miel américaine se poursuit à Orange County, en Californie du sud, où la famille fait partie des piliers de la communauté française.
S’ils sont restés aux États-Unis, c’est d’abord pour permettre à Jean-Marc de réaliser la carrière de ses rêves. En phase avec une culture commerciale américaine « plus agressive », ce compétiteur se régale dans ses nouvelles fonctions. Au bout de trois ans, quand son groupe lui propose un poste plus important à Atlanta, il convainc Sandra de prolonger leur séjour. Et ainsi de suite… « En deux ou trois postes, j’ai vraiment accéléré, de Directeur à Vice-président, puis à Vice-président exécutif avec des augmentations et un meilleur cadre de vie, relit-il. Le groupe était en pleine croissance, j’ai surfé la vague, avec le sentiment que je n’aurais jamais pu aller aussi vite en France. »
Quand on part en couple, rester est une décision qui se mûrit à deux. Pour Sandra, qui a renoncé à un travail qu’elle adorait en France, elle revêt une part de sacrifice, du moins au départ. Elle doit réinventer sa vie entre la maison, les enfants, le Lycée français, les cours d’anglais… « J’imaginais que c’était du temporaire », se souvient-elle. Mais, par amour pour son mari, elle accepte de prolonger l’expérience. « Nous avons fait ces choix ensemble, souligne Jean-Marc. C’est important d’en discuter à cœur ouvert. Il faut peser ce que ton cœur te dit par rapport à ton pays d’origine, l’appel de la réussite professionnelle, le cadre de vie, les enfants… J’ai eu la chance d’être soutenu par une femme extraordinaire. Si on est là, c’est grâce à elle », confie-t-il, ému.
Un choix que l’on fait aussi pour les enfants. C’est en voyant ses filles s’épanouir dans leur pays d’adoption que Sandra réalise que leur vie s’écrira ici. « À un certain âge, les enfants se sentent plus américains que français, souligne-t-elle. Vers 16-17 ans, notre aînée ne voulait pas rentrer en France. Pour elle, c’était l’inconnu, même si elle adorait y aller en vacances. C’est à ce moment que l’on s’est rendu compte que l’on allait rester et qu’on s’est orientés vers une naturalisation. »
Choisir de rester, c’est aussi se libérer de la culpabilité d’avoir laissé sa famille loin de soi. Cynthia, 36 ans, a quitté sa Provence chérie pour rejoindre son futur mari à Chicago, en 2014. Très proche de ses parents, elle s’est résolue, il y a deux ans, à leur dire qu’il n’y aurait pas de retour au pays, contrairement à ce qu’elle avait imaginé. « J’ai mis du temps à leur dire que j’étais heureuse et que j’adorais ma vie, même si j’étais loin d’eux. Ils me demandaient souvent : “Vous allez revenir quand ?” Quand nous avons déménagé dans le Colorado, en 2021, au lieu de leur dire : “On reviendra”, j’ai pu leur dire : ”Nous avons choisi une autre direction, c’est notre vie, et nous allons être heureux. » Une annonce qui l’a « libérée d’un poids ».
Selon Marianne, installée aux États-Unis depuis près de 25 ans, l’éloignement avec la famille est la principale raison qui provoque le retour d’expatriation. « J’ai vu des copines repartir en France au bout de 7 ans, 10 ans… Les liens de la famille étaient trop forts, elles en étaient malades d’être loin. À l’opposé, ceux qui sont moins proches de leur famille restent ici longtemps. » Pour elle, la distance a été source de tensions avec ses parents. Elle leur reproche de ne pas avoir été là quand son deuxième enfant a dû être hospitalisé en urgence, à la naissance. C’est une amie française qui avait gardé son aînée pendant cette période difficile.
Car le soutien de personnes sur qui l’on peut compter est crucial pour se projeter à long terme dans son pays d’adoption. « On s’est créé notre petit village », confirme Cynthia, en évoquant les amis français et américains qui les entourent, près de Denver, où ils viennent d’acheter une maison. Le yoga, et plus récemment, le Pickleball, un sport de raquette entre le tennis et le ping-pong, lui ont permis de nouer des liens. « On s’y est fait des copains de tous âges, c’est une super communauté ! ». se réjouit la jeune femme.
Synonyme d’amitié et de sécurité, la communauté française joue aussi un rôle fondamental pour la plupart des Français expatriés de longue date aux États-Unis. « Nous ne sommes pas seuls, nous avons une famille de cœur ici » insiste Sandra, à la tête d’Orange County Accueil, qui regroupe plus de 150 familles francophones dans le Comté d’Orange. Elle évoque la solidarité de ses compatriotes, qui s’est notamment manifestée lors des incendies qui ont touché cette partie de la Californie, il y a trois ans. « Aujourd’hui, nous vivons le rêve américain comme il se présente, assure-t-elle. Je ne suis pas frustrée, je n’ai pas de regrets. Vivre aux États-Unis m’a ouvert l’esprit. »