Le soupir de soulagement est presque perceptible dans toutes les chancelleries occidentales -et en tout cas au Quai d’Orsay. Samedi, Emmanuel Macron n’a d’ailleurs pas attendu pour féliciter Joe Biden et Kamala Harris pour leur victoire, et souhaiter des jours meilleurs : “Nous avons beaucoup à faire pour surmonter les défis d’aujourd’hui. Travaillons ensemble!” L’élection de Joe Biden à la tête des Etats-Unis devrait annoncer un changement de style que beaucoup appellent de leurs voeux. Mais les relations transatlantiques, dégradées ces quatre dernières années, vont-elle réellement s’améliorer?
Du point de vue des relations humaines, oui, assure Benjamin Haddad, directeur au sein du think tank Atlantic Council. « Joe Biden va vouloir remettre les alliances au premier plan de la relation étrangère, car elles sont selon lui une principale force des États-Unis. C’est aussi sa personnalité, celle d’un homme chaleureux, qui considère qu’en politique, il faut avoir des amis », analyse-t-il.
“America first était America alone“
Or, la rhétorique, ça compte en politique étrangère. Le futur président jouera un jeu bien différent du rapport de force et la provocation sur la scène internationale. « La politique étrangère de Joe Biden devrait être plus professionnelle et basée sur les institutions multilatérales comme l’ONU. L’engagement diplomatique d’une administration Biden sera plus fort que l’ ‘America First’ de Donald Trump, qui était surtout une ‘America alone’ », juge Gérard Araud ambassadeur de France aux Etats-Unis de 2014 à 2019. Les États-Unis vont donc réintégrer les accords de Paris, et relancer les discussions sur l’accord nucléaire iranien, dont les États-Unis ont claqué la porte et l’Iran à sa suite.
Mais, paradoxalement, ce qui était la priorité de Donald Trump -les relations commerciales internationales- devrait voir nettement moins de changement. Que la France et l’Europe ne se fassent pas d’illusions, prévient Gérard Araud. « Le libre-échange ne sera plus une priorité, elle était l’apanage des républicains mais c’est le protectionnisme qui domine désormais aux Etats-Unis », estime l’ancien ambassadeur.
Le désengagement américain va continuer
Il ne faut donc pas voir dans la bonhomie de Joe Biden un changement stratégique complet au plan international. « Les Américains vont poursuivre un chemin de désengagement du terrain, et vouloir que l’Europe prenne en charge sa propre sécurité. Par ailleurs, ils vont faire pression sur le Vieux Continent pour qu’il soit leur allié dans les négociations avec la Chine », estime Benjamin Haddad. Néanmoins, le contexte européen est aussi une chance pour la France : alors que la Grande-Bretagne parachève son Brexit et qu’Angela Merkel entre dans sa dernière année de mandat, Emmanuel Macron pourrait être un allié de choix en Europe pour Joe Biden.
Enfin, reste la question de la taxe GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui doit entrer en vigueur en France en décembre prochain. Les États-Unis ont répliqué en menaçant l’Hexagone de taxes douanières, sur ses produits cosmétiques et sa maroquinerie, au 1er janvier 2021. L’administration Biden pourrait chercher à trouver un accord multilatéral sur le sujet, dans le cadre des discussions en cours à l’OCDE, afin de donner des gages à l’influente aile gauche du parti démocrate, celle d’Elizabeth Warren. Reste qu’il ne faut pas sous-estimer l’influence de ces mastodontes américains au Congrès et au sein de l’exécutif, en particulier auprès de la vice-Présidente Kamala Harris, qui est une élue de Californie.