Journaliste d’investigation au New York Times, Leslie Maitland a l’habitude de mener l’enquête. Mais pour écrire son livre « Crossing the Borders of Time », qu’elle présentera le jeudi 9 mai à l’Alliance Française de Los Angeles, elle a dû effectuer des recherches d’un type un peu particulier.
Pendant cinq ans, elle a tenté de reconstituer la première histoire d’amour de sa mère, avec un jeune Français, pendant la Seconde guerre mondiale. Un récit très personnel, qui se veut en même temps un travail de recherche historique et journalistique.
« J’ai grandi fascinée par l’histoire de ma mère, raconte Leslie Maitland. Lorsque j’étais une petite fille, elle me racontait souvent ce qu’elle avait vécu pendant la guerre et son histoire d’amour avec Roland. Pour mon père, ça n’a jamais été facile de vivre avec un tel fantôme qui s’est immiscé dans leur mariage». Née Janine Gunzburger, à Freiburg , dans les années 20, la mère de Leslie dont la famille est d’origine juive, fuit l’Allemagne nazie pour se réfugier en France. Arrivée en Alsace en 1938, c’est là qu’elle fait la connaissance, dans une rue de Mulhouse, d’un jeune Français catholique, Roland, avec qui « ce fut le coup de foudre immédiat ». La famille de Janine doit ensuite fuir en zone libre. « Ils se sont retrouvés à Lyon où leur amour a vraiment mûri, puis la famille de ma mère a dû se résoudre à prendre le dernier bateau à Marseille en partance pour Cuba. De là, ils ont pu entrer aux Etats-Unis en 1943» raconte la journaliste.
Dans une lettre de douze pages, retrouvée par Leslie Maitland lors de son enquête, Roland écrit à Janine : « Notre seul ennemi est le temps! Quel que soit la longueur de notre séparation, notre amour devra y survivre, et cela ne dépend que de nous seuls. Je te donne ici ma parole, que je suis sincère, et que tu seras ma femme, quel que soit le temps qu’il me faudra attendre. Ne l’oublie jamais, n’en doute jamais ». Mais malgré leurs efforts, les deux amants ne se reverront pas après la guerre.
Des retrouvailles, 50 ans après
« C’est en retournant en Allemagne avec ma mère sur les traces de son passé, que j’ai eu envie de me lancer dans ce travail de reconstitution et d’enquête, explique Leslie Maitland. J’avais l’impression que sa vie ne serait pas complète tant que je n’avais pas écrit son histoire. J’avais envie de la préserver. D’un point de vue plus journalistique, je voulais aussi apporter un témoignage sur cette période de l’histoire qui a marqué ma famille. L’histoire d’amour entre Roland et ma mère est l’un des reflets de cette époque mais j’ai aussi des cousins qui sont morts à Auschwitz et dont je parle dans le livre».
Pour son enquête, Leslie Maitland a marché dans les traces de sa mère. Elle a rencontré les petits-enfants des personnes qui ont récupéré les biens de sa famille pendant la guerre, visité des cimetières et traversé plusieurs frontières, comme Janine. Elle s’est rendue en Allemagne, en France (où elle a encore de la famille), de Mulhouse à Lyon en passant par Marseille, à Cuba et même au Canada, où elle est parvenue à retrouver… Roland. Grâce à elle, les deux amants ont été réunis, après 50 ans de séparation. « Ma propre vie est la conséquence de leur rupture douloureuse, écrit Leslie Maitland. Je suis heureuse du fait qu’en continuant leur histoire, j’ai réussi à en modeler la fin ».