C’est une bien drôle de mue que s’apprête à vivre le vieux Sunset Pacific Motel du quartier de Silverlake, à Los Angeles.
D’ici quelques jours, ce bâtiment abandonné, voué prochainement à la destruction, sera entièrement recouvert de chaux blanche par le plasticien français Vincent Lamouroux, dans le cadre d’une installation artistique baptisée “Projection”.
“J’ai repéré ce motel il y a quatorze ans en me baladant dans le quartier en vélo. C’est une manière souvent intéressante de découvrir des aspects cachés de cette ville, qui passent totalement inaperçus lorsque l’on est en voiture” explique l’artiste parisien, qui a vécu et travaillé par le passé à Silverlake.
Cet hôtel fantôme, désaffecté depuis de nombreuses années, est baptisé par certains “Bates Motel”, en raison de son emplacement, à l’angle de Sunset Boulevard et de Bates Avenue. Mais c’est aussi une référence hitchcockienne au héros inquiétant de “Psychose”, Norman Bates, lui-même gérant, dans le film, d’un motel du même nom.
“C’est un bâtiment emblématique, qui incarne à mes yeux l’histoire de la ville de Los Angeles. Le motel, c’est la contraction d’hôtel et de moteur: ce type de bâtiment a été conçu à l’époque où la mobilité est devenue une caractéristique essentielle de cette ville”, explique Vincent Lamouroux. Il poursuit : “en plus du motel, nous allons recouvrir d’autres éléments qui se trouvent dans son champ: un billboard et plusieurs palmiers”. Un ensemble typique du paysage urbain de Los Angeles.
Métaphore de l’évolution de la ville et des changements qui modifient jour après jour son visage, l’installation se veut accessible au plus grand nombre, passionnés d’art comme simples passants.
“C’est une oeuvre visible depuis la rue, qui peut donc toucher un très large public” explique Nicolas Libert, co-fondateur de la galerie d’art et concept store “Please Do Not Enter”, l’un des partenaires du projet. “Notre boutique, qui comprend des oeuvres d’art, des vêtements et d’autres articles plus accessibles vise de la même manière à faire découvrir l’art à des publics non-initiés, souvent venus à la base pour autre chose. Nous avons cela en commun avec Vincent, artiste avec lequel nous avions déjà travaillé.”
Parmi les plus fervents supporters du projet, figure d’ailleurs le propriétaire du Bates Hotel lui-même ! “C’est quelqu’un au départ qui n’est pas du tout familier du monde de l’art, mais qui petit à petit a été séduit par l’installation. Aujourd’hui, il nourrit une vraie fascination pour le projet et attend sa réalisation avec impatience. Il se l’est complètement approprié !”, raconte Nicolas Libert.
Le maire de Los Angeles, Eric Garcetti, grand amateur d’art contemporain, soutient le projet de Vincent Lamouroux depuis le début. Plusieurs établissements scolaires des environs (une école publique américaine, une école juive et le Lycée International de Los Angeles) ont aussi été associés au projet et participent à des ateliers animés par Vincent Lamouroux.
“La peinture blanche créé une sorte d’écran neutre sur lequel chacun peut facilement projeter ses propres désirs. C’est aussi une manière de geler l’espace et le temps, de révéler le changement, d’accepter le temps qui passe”, explique Vincent Lamouroux.
La réalisation du projet, assurée par une équipe de peintres armés de pistolets à peinture et d’une petite lance à incendie, durera une dizaine de jours, jusqu’à l’inauguration de l’installation dimanche 26 avril. Près de 3000 m2 seront recouverts.
Mais l’artiste refuse de réduire son oeuvre à un spectacle. “Je veux éviter d’impressionner avec des chiffres, de quantifier tout ça. Mon but n’est pas de faire du sensationnel. Je ne veux pas donner de dates concernant le début de la réalisation: j’aime assez l’idée d’un surgissement, d’une apparition.” Avant que le motel immaculé ne disparaisse pour de bon.