Si par malheur l’épéiste américain Seth Kelsey rencontre un Français lors d’un combat aux JO de Londres, Benoît Bouisset risque d’être confronté à un sacré dilemme : soutenir son poulain contre son pays. Car ce Français n’est autre que l’entraîneur de Kelsey, l’un des deux épéistes américains engagés dans les Jeux Olympiques de Londres (qui débutent le 27 juillet) et dixième au classement mondial.
Une position pour le moins insolite dans laquelle ce Mousquetaire ne pensait sans doute pas se retrouver un jour. A 35 ans, il quitte sa Castres natale pour Houston. Sacré champion du monde par trois fois en 2002 et 2010 (en individuel et en équipe), il rechigne à quitter sa province. Il monte bien à Châtenay-Malabry en 1997, pour décrocher son titre de maître d’armes. Mais il n’a jamais entraîné l’équipe olympique française, basée à Paris, par exemple. Entre 1997 et 2010, Benoît Bouysset s’attache à former quelque 150 escrimeurs au sein de son club, le Cercle d’escrime de Castres.
Tout change il y a deux ans, quand il se marie à Christina Garza, responsable des relations publiques du sheriff du comté de Harris à Katy. Après plusieurs années passées à faire l’aller-retour entre Castres et Houston, le jeune athlète rejoint sa belle au Texas, où, fort de son brevet d’Etat français (qui n’a pas d’équivalent aux Etats-Unis), il a rapidement trouvé du travail. L’escrime constituant parfois un tremplin vers des formations universitaires prestigieuses, la demande est forte de ce côté de l’Atlantique et Benoît Bouysset a commencé à travailler pour différents clubs d’escrime locaux, dont l’Alliance Fencing Academy, son principal employeur.
Jusqu’à ce que, l’an dernier, la fédération nationale d’escrime ne le débauche pour entraîner Seth Kelsey. Ironie du sort : Le second épéiste américain, Soren Thompson, est coaché par l’entraîneur national, Sébastien Dos Santos, un autre Français. « Le monde de l’escrime est petit. Sébastien Dos Santos savait ce que je faisais en France. Il avait besoin de renforcer l’équipe du centre olympique, à Colorado Springs, et il m’a fait venir, d’abord pour un mois, en préparation du championnat panaméricain remporté par les Etats-Unis il y a deux ans, puis mondial et maintenant des jeux Olympiques »
Futur entraîneur de l’équipe olympique américaine ?
Pour Benoît Bouysset, passer de la formation à l’entraînement d’athlètes olympiques, « c’est comme composer après avoir fait des gammes ». Et le coach national actuel ayant annoncé son retour en France au mois d’octobre, ce Texan d’adoption pourrait bien être le futur entraîneur de l’équipe olympique états-unienne en épée.
Mais la décision dépendra de la nouvelle équipe olympique désignée à l’issue des jeux de Londres. Et, pour l’heure, le maître d’armes est occupé par de multiples analyses vidéo. « Dans un sport en un contre un, il y a des incertitudes. Il est impossible de prévoir toutes les possibilités. Mais nous savons ce que nous pouvons faire et nous préparons au mieux ». Avec les moyens dont dispose l’escrime aux Etats-Unis, sans commune mesure avec ceux alloués à d’autres sports. « Cela reste à échelle humaine », se félicite le maître d’armes, qui regrette toutefois que les tireurs ne puissent pas toujours se consacrer à leur discipline à plein temps. C’est possible pour Seth Kesley par exemple, car il est réserviste de l’armée de l’air, mais en général, « il est dur de garder les athlètes plus de quatre à cinq ans », indique Benoît Bouysset.
Même si la fédération française reste pour l’instant la première mondiale, l’escrime se développe rapidement aux Etats-Unis. Les maîtres d’armes internationaux, et notamment français, n’y sont pas pour rien et vont tout faire pour que les prochains jeux Olympiques contribuent à cet effort.