Si les parfumeurs français sont légion dans les labos des maisons de parfumerie à New York, Christophe Laudamiel est unique en son genre. Tout d’abord, il y a sa crête iroquoise : une marque de fabrique chez ce quarantenaire qui dénote dans le paysage. Ensuite, il y a son obsession. Quand d’autres parfumeurs rêvent de créer un nouveau Chanel No. 5, Christophe Laudamiel a d’autres idées dans le museau.
Cela fait cinq ans que cet ancien parfumeur à IFF (International Flavors & Fragrances Inc) concocte les notes d’un opéra olfactif à ses heures pas perdues. Green Aria est une oeuvre d’une demi-heure basée uniquement sur des senteurs et des sons. L’entreprise est ambitieuse. Il s’agit de dépasser la notion wagnérienne de ‘Gesamtkunstwerk,’ l’oeuvre d’art totale, mêlant musique, poésie, peinture. “L’idée est de créer un opéra multi sensoriel impliquant tous les sens”, explique Stewart Matthew, un ancien banquier d’investissement de Wall Street, qui a écrit le libretto de Green Aria avec les compositeurs Nico Muhly et l’ancien collaborateur de Björk Valgeir Sigurdsson.
Mal de tête garanti?
Le principe : les spectateurs seront dans le noir et 22 parfums secs de 100g chacun seront vaporisés par le biais de micros attachés aux sièges. Aux questions artistiques (La mémoire olfactive est-elle suffisante pour suivre une narration?) se sont ajoutés de sérieux défis techniques. “Le défi principal était l’absence de technologie pour les systèmes de diffusion individuels”,explique Stewart Matthew. «Les parfums sont conçus pour éviter les risques d’allergie. Tous sont approuvés par les standards de sécurité américains», assure-t-il. Les deux compères ont fondé ensemble Aeosphere, une société de “média olfactifs” basée à New York. Jerry Vittoria, président parfums à Firmenich North America, la maison de parfumerie qui a fourni les parfums explique : “Ils ont mixé l’art et la science. Cela a été fait avant mais ce qu’ils ont fait est de perfectionner l’équilibre comme jamais auparavant”.
Le parcours de Laudamiel oscille entre le commercial et l’expérimental.
Il a cosigné le bestseller Polo Blue for Men de Ralph Lauren, pour lequel il a reçu un FIFI Award, un “oscar” de l’industrie. Un tel succès ne saurait masquer son côté artiste torturé. Étudiant à l’École Européenne des Hautes Études des Industries Chimiques à Strasbourg, Christophe Laudamiel lit Le Parfum de Patrick Süskind. Il est fasciné par le personnage principal, le monstrueux Grenouille qui recherche sans cesse de nouveaux accords de parfum, notamment celui d’une vierge assassinée.
Il cherche à illustrer les scènes du livre par des parfums et au-delà de créer une sorte d’anthologie du parfum. C’était bien avant de savoir qu’une adaptation au cinéma du roman éponyme était en préparation. La sortie du film donne lieu à une collaboration avec Thierry Mugler pour un coffret de 15 senteurs illustrant les scènes clés du film. Christophe Laudamiel tente même de mettre en place un système de dissémination des parfums pour la projection parisienne. Hélas, la technologie est plutôt rudimentaire.
Le parfum des subprimes
L’iroquois décoiffe aussi le forum économique mondial de Davos en Janvier 2008. L’économie sent le roussi. Les organisateurs se tournent vers Christophe Laudamiel et lui demandent de créer des senteurs pour les salles de conférences. Hélas encore, à Davos le parfum ne suffit pas à adoucir pas les mœurs. Les ténors ne trouvent pas la potion magique pour prévenir la crise économique. Mais Laudiamel de son côté tient la formule, celle qui le mène à la création de Green Aria. Cela marque-t-il la fin de sa quête frénétique? Rien n’est moins sûr.
Green Aria – a ScentOpera – Works & Process
Dimanche 31 Mai, 19h30 et 21h30
Lundi 1 Juin, 16h30, 19h30 et 21h30
Réception avec l’équipe créative et le public dans la rotonde de 20h30 à 21h30
The Peter B. Lewis Theater
Solomon R. Guggenheim Museum
1071 Fifth Avenue at 89th Street
Entrée : $30, $25 pour les membres du Guggenheim, $10 pour les étudiants
(212) 423-3587
worksandprocess.org
Les deux performances sont complètes