La scène philharmonique new-yorkaise célèbre, tout au long de la saison, le centenaire de la naissance de Pierre Boulez (1925-2016). Prochain événement le dimanche 2 mars, au Carnegie Hall, avec le récital intime de Pierre-Laurent Aimard, élève du compositeur et pianiste éminent, durant près de vingt ans, de l’ensemble Intercontemporain créé par Pierre Boulez en 1976. Au programme, outre plusieurs œuvres du maître, une sélection de pièces de Bartók, Ravel et Schoenberg qui permettront à Pierre-Laurent Aimard de mener, par son interprétation, les auditeurs vers la radicalité de la musique.
Pierre Boulez est une des figures majeures de la musique contemporaine. Compositeur, chef d’orchestre et par-dessus tout théoricien de la musique expérimentale, il acquiert au fil des années 1950 à 1980, une immense notoriété. Tout d’abord en Allemagne où il explore la musique sérielle auprès de son ami d’alors, Karlheinz Stockhausen. Tous les deux partagent un atelier radiophonique où ils expérimentent la musique électronique dont ils deviennent des précurseurs. Il acquiert par la suite une renommée internationale.
Il fonde en 1974, à la demande du président Georges Pompidou, le prestigieux Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique (IRCAM). Le grand public connaît son nom, mais connaît-il vraiment son œuvre ? Pierre Boulez cultive le paradoxe d’être tout autant populaire que son œuvre est mal connue. Pourtant, son objectif est, comme il le dit, « de montrer aux gens que beaucoup de types de musiques existent ». Il refuse d’accepter la tradition et s’ouvre aux nouvelles possibilités esthétiques et technologiques de la musique. Auditeurs et interprètes doivent s’accrocher pour apprécier les frontières vers lesquelles ses compositions mènent. La récompense, « pour qui aime cela », est pourtant « incroyablement excitante » selon Pierre-Laurent Aimard.
Pierre Boulez a collaboré avec un très grand nombre de salles de concerts mythiques à Londres, à Berlin, à Vienne… À New York, ses œuvres sont jouées au Carnegie Hall depuis les années 1950. Il y a dirigé plus de quarante représentations. En 1969, il fait grande impression alors qu’il interprète, entre autres, Le Sacre du printemps, avec le New York Philarmonic. Dans la foulée, il y est engagé comme directeur musical. Sollicité de toutes parts, le compositeur français devient simultanément le chef principal de l’Orchestre symphonique de la BBC.
Dans les années 1970, alors qu’il est le directeur de l’Orchestre Philharmonique de New York, Pierre Boulez innove non seulement avec sa musique mais aussi avec les formats de ses concerts. Il introduit les « rug concerts » qui rompent avec tous les codes classiques des représentations. Les fauteuils sont retirés de la salle, l’orchestre prend place dans la fosse et le public, installé sur la scène ou autour des musiciens, est assis sur des tapis ou des coussins. Il instille ainsi un esprit informel à ces événements.
Tout autant fidèle à la culture des seventies, la tarification unique à 3 dollars est instaurée. Associée à l’atmosphère décontractée du récital, elle rend le répertoire expérimental accessible à tous. Pierre Boulez s’incrit ainsi dans la lignée des « young people concerts » que Leonard Bernstein proposait dès 1958, à l’adresse des jeunes New-Yorkais. Pierre Boulez va aussi à la rencontre des futurs musiciens en organisant des « prospective encounters » avec les étudiants de New York University et de la Cooper Union School. L’objectif : nourrir des échanges plus directs et riches entre ceux-ci et les acteurs de la musique contemporaine.
Au travers de ces projets new-yorkais, on comprend la définition que Pierre Boulez donne du public : « C’est faire se rassembler des personnes qui, autrement, n’y auraient point songé, les amener à former temporairement une communauté solidaire, se prenant au jeu musical en y découvrant plaisir, richesse, curiosité et recherche. »
« Pierre-Laurent Aimard, Piano – Pierre Boulez Centenary »,
Carnegie Hall, Weill Recital Hall, 154 W 57th Street.
Dimanche 2 mars à 2pm